Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Il faut essayer d'obliger tout le monde
Ouais, c'est ça
Ces temps-ci, Dieu décroche joyeusement la religion. Ainsi, l'amour s'évade en évitant le silence des sens
Phosocle ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

19 Octobre 2011 ::

« 3 en 1 »

:: Elucubrations

La révolution 3 en 1

Il y a bien longtemps de cela, lorsque j’étais jeune et fringant, dans un temps qu’on pourrait qualifier de préhistoire technologique, chaque objet avait une fonction et une seule. Fort heureusement, ce fait inacceptable a bien évolué ces dernières années, et aujourd’hui, à l’ère de l’efficacité optimale, à l’ère de la productivité, à l’ère du confort où il faut en faire deux fois plus qu’avant en deux fois moins de temps et sans se fatiguer, la révolution a bien eu lieu, que j’appellerai par convention la « révolution 3 en 1 ».
Cela n’a pas pu vous échapper, cette invasion médiatique des produits « 3 en 1 ». Une bonne idée au départ, dans certains cas, qui est devenue rapidement un argument commercial. Et comme pour tout argument commercial ou presque, nous voilà arrivés au point où cela confine au parfait ridicule.

Mais pour savoir de quoi nous parlons, une petite démonstration s’impose.
A l’origine, l’objet 3 en 1 est un objet qui cumule trois fonctions à lui tout seul.

Exemples :
« L'ingénieux système du Balai spray 3 en 1 permet de nettoyer les sols sans effort, mais aussi d'entretenir les baies vitrées. Avec le balai spray 3 en 1, il n'est plus nécessaire de prévoir de seau d'eau, il intègre un réservoir de détergent et un spray à pompe commandé à la poignée. Le balai spray 3 en 1 associe une raclette avec la partie éponge et chaque fonction, raclette ou éponge, s'utilise indépendamment selon la position de commande. Pratique et robuste, le balai spray 3 en 1 simplifie les travaux en permettant d'avoir un seul appareil pour plusieurs fonctions. »

« 3 en 1 : nettoyeur vapeur, aspirateur avec filtre à eau et lave-vitre aspirant »



"Torche lampe led pointeur 3 en 1". Cette lampe de poche dispose d'un pointeur laser intégré. En troisième fonction, si la batterie est en panne et que vous étiez justement en train de chercher les toilettes de nuit, dans un endroit que vous ne connaissez pas alors qu'il y a une panne d'électricité, elle fait également torche...


Le dual trigger 3 in 1 : provoque des tendinites aux pouces,
nique les yeux et grille les neurones de son utilisateur.


Le but de cet exposé n’est pas de conjecturer sur le gain de temps et d’énergie supposé, mais sans être un fanatique du ménage, je dois dire que je suis tout de même assez sceptique, même si en l’occurrence il conviendrait mieux d’être antiseptique. Il faut d’ailleurs noter que le domaine des travaux ménagers est particulièrement concerné par la frénésie 3 en 1, mais ce n’est pas le seul.

Parfois, l’objet 3 en 1 nécessite quelques transformations pour s’acquitter de l’une ou l’autre de ses trois fonctions, comme par exemple un billard 3 en 1 français, anglais, américain, moyennant l’ajout et le retrait de bandes amovibles.

Le triple effet 3 en 1

Un autre rayon qu’on a vu être envahi rapidement par la fièvre 3 en 1 est celui des produits de beauté, shampooings et autres après-shampooings. Dans ce cas, on ne peut plus vraiment parler de trois fonctions différentes, mais de trois « effets » ou trois « sensations » différentes, généralement identifiés sous le nom de trois verbes ou groupes verbaux différents.

Exemples :
"Le Shampooing 3 en 1 :
1. Lave en douceur tous les types de cheveux et facilite le démêlage des cheveux fins, ternes et fatigués sans les alourdir.
2. Discipline, gaine et embellit les cheveux de la racine aux pointes et optimise leur mise en forme.
3. Laisse les cheveux plus denses, plus brillants, pleins d'énergie et de santé."

"L’après soleil 3 en 1 : Un lait tout doux pour apaiser, hydrater et prolonger votre bronzage en un seul geste."

"L’Anti-rides 3 en 1 : atténue les rides et ridules, améliore l'apparence des irrégularités de coloration du teint, tonifie et hydrate la peau."

"Gel contour des yeux 3 en 1 : a été spécialement conçu pour protéger et hydrater la peau extrêmement sensible du contour des yeux, tout en atténuant les rides et ridules et éliminant les poches et les cernes."

"Crème fluide corps : hydratante, raffermissante et protectrice"

"Brillance, démêlage et tenue en 1 seul geste! Vous rêvez de cheveux faciles à coiffer, éclatants de brillance et de vitalité, et tout cela en un seul geste? Enrichi en vitamine 100% végétale, le shampooing 3 en 1 apporte à chaque utilisation brillance, démêlage et tenue de la coiffure. Voyez, sentez, touchez la différence : brillants, faciles à coiffer, vos cheveux retrouvent leur pleine forme."


Comme vous l’avez remarqué, la différence entre les effets n°1, 2 et 3 est souvent très floue. Sémantiquement, nombre d’effets sensés être différents se chevauchent plus ou moins, mais la langue française est tellement riche en nuances dans les termes que cela arrange bien les agences de marketing.


La parka 3 en 1 PVC : l'histoire ne dit pas pourquoi elle est "3 en 1", voici donc deux interprétations possibles : "peut se mettre en hiver, au printemps et à l’automne, mais pas l’été, fait trop chaud". Ou alors "protège de la pluie, du vent et de la neige".

Naturellement, certaines victimes sont à la traîne et n’ont pas su surfer sur la vague, ils sont donc restés coincés au stade « 2 en 1 ». Trop la lose.

Exemple :
"Après-shampooing et masque-express 2 en 1 à la Mangue. Un après-shampooing et masque capillaire en un seul produit. La précieuse huile de graines de brocoli et le beurre de mangue sont un excellent démêlant, qui donne brillance et volume aux cheveux sans les alourdir."

Cette marque devrait de toute évidence et sans délai changer d’agence marketing. Non seulement le produit est présenté comme n’ayant que deux effets, ce qui est déplorable, mais en plus le brocoli, c’est pas très vendeur !


En ce moment, nous avons la chance d'avoir en stock un président 3 en 1 : il assume, il met en œuvre la rupture, il défend le pouvoir d’achat des français. Profitez de notre prix en baisse, c'est bien le seul, tous les autres sont en hausse !

L’ère du « kit 4 en 1 et plus »

A côté de ces retardataires, d’autres, au contraire, ont compris que la mode du 3 en 1 était déjà ancienne, et qu’il était donc grand temps de trouver un autre argument commercial. Le consommateur toujours plus gourmand, dédaignait les 3 en 1, devenus d’une banalité notoire. C’est ainsi qu’on vit apparaître les 4 en 1, les 5 en 1 et plus si affinité.
C’était tout bénef, car si le 3 en 1 est bien souvent trois fois plus cher, il est proportionnellement naturel que le 4 en 1 et le 5 en 1 soient à l’avenant.
Pourtant, il devint difficile de trouver des objets capables de s’acquitter de quatre ou cinq fonctions différentes, de même que des produits capables d’avoir quatre ou cinq effets différents, même si quelques petits génies ont réussi malgré tout.

Exemple :
"Le désodorisant pour toilettes 4 en 1 : diffuse un parfum de qualité, élimine les odeurs, agit immédiatement, dure jusqu’à une heure."


Autre exemple : ce spray 4 en 1 qui "détartre, dégraisse, désinfecte et désodorise"


On créa donc le « kit », nouvelle génération de produits 4 en 1 et plus, consistant en un ensemble d’objets qui, par leur effet conjugué, contribuent à assumer une tâche. Eh oui, c’était une régression en effet, car on avait créé le 3 en 1 pour qu’un seul objet fasse plusieurs tâches, alors que le kit faisait qu’il fallait plusieurs objets pour mener à bien une seule et même tâche. Mais qu’importe, pourvu que ça se vende.
Bien entendu, le kit existait déjà en 3 en 1.

Exemple :
"Café crème instantané 3-en-1 en doses individuelles : café instantané soluble + crème végétale + sucre en doses individuelles de 20g prêtes à l'emploi."

… Mais c’est vraiment à partir de l’ère « 4 en 1 et plus » que le kit prospéra.

Exemples :
"Kit de nettoyage écran plasma LCD 4 en 1 : Brosse de poussiere x 1 + Ventilateur d'air x 1 + Liquide du nettoyage x 1 + Tissu du nettoyage x 1"

"Ce kit de nettoyage contient tous les accessoires nécessaires à l'entretien de vos optiques.
Contenu : 1 Chiffon en microfibre 13 x 13 cm, 1 Flacon de liquide nettoyant pour verres optiques, 1 Pinceau soufflant, 5 bâtonnets en coton, 25 feuilles de papier doux."


A noter que dans le kit ci-dessus, les « bâtonnets en coton » ne sont autres que de vulgaires cotons-tiges. Dès lors que les kits peuvent contenir des objets aussi triviaux, il devient très simple de transformer un « kit 4 en 1 » en un « kit 5 en 1 ».

Exemple :
"Un kit complet pour nettoyer votre appareil photo/caméscope 5 en 1
- 1 pinceau soufflant pour chasser en douceur toutes les poussières de votre appareil photo/caméscope et de son optique
- 1 spray de nettoyage 20 ml spécialement conçu pour écrans (en verre ou en plastique rigide) et lentilles
- 1 tissu microfibres
- 25 lingettes sèches anti-statiques
- 5 cotons-tiges."

Notez que dans ce dernier exemple ils ont même renoncé à l’euphémisme et disent carrément qu’il s’agit de 5 cotons-tiges.


Kit 5 en 1 de nettoyage des optiques


Vers une nouvelle ère…

Nous sommes en ce moment dans une charnière historique qui va nous mener vers une nouvelle ère, l’ère des « 6 en 1 et plus ». Certains produits récents préfigurent cette nouvelle période de prospérité.

Exemples :
"La Tondeuse Philips 6 en 1 : tond barbe, moustache, favoris, cheveux, oreille, nez"

Je ne sais pas en quoi consiste le fait de se tondre les « favoris », mais je préfère ne pas le savoir…

"Le Support I-Pod « 7-in-1 » (Car FM Transmitter + Car Charger + Car Holder + Remote + Line in input + LCD Display with backlight, USB Charger only all in one)"

Sans oublier l’effet ultime : donne à la voiture de son possesseur un look branché (sauf peut-être s’il s’agit d’une Daf ou d’une Lada)


Le support I-Pod 7 in 1, in english please. Ça, ça en jette.


En attendant, moi, j’attends avec impatience :
- Le kit 5 en 1 qui lave, sèche, repasse, plie et range les fringues.
- Le kit 5 en 1 qui fait à bouffer, met le couvert, débarrasse la table, lave et range la vaisselle
- Le kit 5 en 1 qui passe l’aspirateur, la serpillière, fait la poussière, lave les chiottes et lavabos, nettoie les vitres.
- Le kit 6 en 1 qui supprime la guerre, les maladies, la pauvreté, la faim, les dictatures, et qui extermine les cons.

Bah quoi ? Vous avez jamais vu un blog engagé ?


Dernière tendance du moment : utiliser la mode "X en 1" pour donner un nom à une marque.
Cette marque de produits pour chiens s'appelle carrément "8 en 1".


Copyrat draleuq 2008

draleuq, 21h19 :: :: :: [7 contestations]

15 Octobre 2011 ::

« Putain de draps »

:: Baratin

Clac clac pschhhhhhh

Je me radinais donc ce matin là, déjà à la bourre.
On me fit présent d'un superbe pantalon trop petit et blanc comme neige et d'une blouse que je devais plus tard porter exactement 7 secondes et 36 centièmes en raison de la chaleur infernale qui nous faisait sortir la vapeur par tous les orifices naturels. Bref, la chef de service m'accueillait à bras ouverts et me roulait presque une paloche.
Et des jours durant, je me rompis le dos dans l'exercice rébarbatif de mettre des draps et des alèzes dans la machine qui a la réputation d'être la plus chiante (et c'est pas peu dire !) de la blanchisserie.

Nom officiel : sécheuse n°1.
Nom de code : la calendre (les habitués lui ont donné ce nom car elle leur cassait les couilles. Où est le rapport ? Mais nulle part, voyons !)
Modus operandi :
Et un, j'accroche le coin dans la pince (clac).
Et deux, j'accroche l'autre coin dans l'autre pince (clac).
Et trois, j'appuie sur le bouton d'engagement (pschhhhhhhhh). Pourquoi "pschhhhhh" me direz-vous ? Parce qu'il engage une tringle à vapeur hydraulique. Eh oui, ça ne rigole pas.
Et cela en moyenne 1500 fois par jour. Le panard. De temps à autre (parfois très souvent), un grain de sel venait faire foirer toute cette mécanique parfaitement huilée : une pince, par un miracle mécanique, lâchait en cours de route, et alors il fallait immédiatement appuyer sur "retour" pour éjecter le drap en perdition qui aurait risqué de se coincer et de se faire déchiqueter dans les engrenages de la brosse. Cette opération, c'était le fin du fin, parce que c'était un évènement qui changeait de la routine (clac, clac, pschhh), sommes nous peu de chose.
J'irai jusqu'à dire que c'était un exercice hautement intellectuel car tout en prenant le prochain drap, il fallait avoir un oeil sur celui qui venait de partir pour bombarder cette infâme guenille sur le sol stérile, pour lui sauver la vie, en cas de catastrophe aérienne : ce détail, qui nécessitait la plus grande attention, m'a notamment permis de nombreuses fois de ne pas m'endormir, ce qui constitue un atout qui est loin d'être négligeable.


Une brève recherche m'a permis de trouver que cette machine s'appelle vraiment une "calandre" (avec un a, donc) ou une "calandreuse", l'autre nom de la sécheuse-repasseuse. Fascinant, non ?

La faune locale

J'ai observé bien des fois, de mes yeux de psychologue en herbe, les visages des titulaires qui en disaient long. Derrière ces visages mutiques, blasés par toutes ces années passées à la calendre, je détectais pourtant dans leur regard, bien loin après les signes éthyliques et tabagiques, une lueur géniale qui confirmait mon impression d'emblée en ce qui concernait leur QI. Ces gars-là ont raté leur vocation : ils auraient tous du être ingénieurs ! Et le pire, c'est qu'ils voulaient tous cacher leur génie par modestie à l'aide de puérilités et d'imbécillités indignes de leur rang intellectuel, mais moi, futur psychologue, je n'étais pas dupe.
L'un répétait à longueur de temps qu'il allait le dire à la chef si on continuait à l'embêter et me disait, chaque fois qu'il me surprenait à vider ma vessie dans l'urinoir : "fais gaffe de pas la perdre".
L'autre, un petit aux dents sales, aux pantalons trop courts et aux cheveux longs, me faisait refaire toutes mes piles d'alèzes en braillant que c'était du travail d'arabe.
Un troisième me répétait en moyenne 343,5 fois "Salut mon p'tit" par jour. Ce qui frise le grotesque, quand on fait 1 m70 et qu'on parle à un grand ! De plus, à chaque vanne envoyée, il me conseillait de me méfier si je ne voulais pas faire l'avion. Et de répéter à chaque fois qu'il partait au milieu d'une conversation : "arrête donc de dire !" Mais on ne roule pas ainsi le reporter draleuq (c'est moi). Leur trop grande envie de se faire prendre pour à peine des titulaires d'un CAP de bons à rien les trahissait à merveille : cette fausse modestie cachait une dizaine de génies à l'état pur qui auraient mérité les plus hauts postes de l'intelligence service : QUE DE GACHIS !

Avec force de rengaine, l'hosto a fait de ses blanchisseurs des malades (c'est contagieux...) Tous ces pauvres bougres qui à longueur de journée écument la calendre ont attrapé une fâcheuse maladie : un strabisme convergent vers leur montre. En termes professionnels, cette maladie s'appelle "l'amour du travail". Leur devise varie et me rappelle étrangement la mienne à l'école : le lundi matin, c'est "vivement ce week-end !". Au retour des vacances, c'est : "vivement l'année prochaine qu'on soit en vacances !"

Pause méridienne

Tous les midis, à vos marques, prêt, partez ! Vous avez trente minutes pour enlever votre pantalon blanc, mettre votre jean's, sauter par la fenêtre du vestiaire en évitant de se défoncer la tête sur le monte-charge du camion de la manutention, courir vers la cafétéria sans vous prendre les pieds dans les rayons des chaises roulantes d'armées de vieillards en attente d'une greffe improbable de 25 milliards de neurones en moyenne (jusqu'à 76 milliards pour les cas les plus désespérés) et en n'oubliant surtout pas de renvoyer son coucou (sans le déplumer) à la vieille croulante qui vous fait coucou du 4ème étage du bâtiment psychiatrique parce qu'elle vous prend pour son fils. Et après ça, arrivé au self (et si vous avez encore faim), vous pouvez déguster une exquise tranche de gigot d'agneau (et si vous ne vous sentez pas d'attaque, sa consistance remplacera avantageusement celle des semelles usées de vos baskets).
En revenant, si vous n'avez pas encore gerbé, la promenade du bloc des amputés vous aidera à soulager votre estomac, puis vous repasserez la fenêtre à toute vitesse pour vous débarrasser en hâte de votre jean's et remettre votre pantalon blanc qui pue la lessive.

Bon pour la digestion

Il y a eu aussi quelques périodes difficiles pour mes naseaux : transporter la poubelle qui semblait contenir le conglomérat des relents de tous les excréments du monde, et qui contenait en fait le filtrat de tout le linge merdeux de tous les hôpitaux de la région, ce qui n'est pas si mal tout compte fait.

Un matin, je nourrissais sans nerfs la calendre, prenant machinalement les draps dans le chariot de fer... Un moment, mes mains ne tâtèrent plus que de l'air chaud : le con d'en face était parti avec le chariot... Il y avait de quoi s'écrier l'expression classique de Simone à Marcel vers 3 heures du matin : "Eh ! Tu prends tous les draps !" Mais je me tus, et il revint d'ailleurs très vite pour me dire : "Allez, va tirer un coup !"... Cette fois, c'en était trop...
- Soyez poli, monsieur !... M'écriais-je outré, moi qui avais lu avec beaucoup d'assiduité le "Manuel de Savoir vivre à l'usage des rustres et des malpolis".
Je comprenais bien plus tard que "tirer" était un mot de l'argot de blanchisseur hospitalier qui signifiait littéralement : "trier à l'arrivée du tunnel".
Le tunnel (il y en avait deux mais pour des raisons de simplification, je préfère tout mettre au singulier) était un organe mécanique très performant avec un tapis roulant. Son débit lingesque était proche de celui de Fréjus en automobiles au coeur de la migration des blaireaux estivants, mais honnêtement, je préfère le tunnel de Fréjus, dont l'odeur de monoxyde de carbone (qui pue quand même, en dépit de son aspect inodore) n'est rien comparée à la pestilence d'ammoniaque, de javel et d'oeufs pourris qui se vaporisait dans l'atmosphère lorsque venait le tour de la désinfection, nom pompeux du linge des atteints du Syndrome Intellectuel de Déficience Articulaire ou d'hépatite B. Le parfum floral (un peu fané quand même) qui se répandait alors dans la salle si vite nous faisait prédire l'arrivée des draps contagieux.
Même traitement pour les chants, enfin les champs, enfin j'sais pas comment ça s'écrit : c'est carré, c'est vert, y'a pas de clôtures ni de vaches, sinon sans controverse ce seraient des champs, c'est du tissu, c'est pour éponger l'hémoglobine de ceux qui passent sur le billard. Bon, eh bien puisque c'est ça, ce sera des schans, na ! Ces schans, donc, disais-je, subissaient la même stérilisation chimique, et l'odeur, à l'heure du tri, me faisait penser que le métier de chirurgien n'était en fait pas si dur : déposez un chiffon dégageant une telle odeur sur un bout de barbaque récalcitrant, vous pouvez être sûr qu'il sera aussitôt dissous. La corvée du tri des schans en était une belle, de corvée. Une corvée éprouvante, surtout pour les narines. Aussi, rare était le trieur qui, voulant tout garder pour lui, s'écriait : "touche pas mes schans !"


Voilà à peu près à quoi ressemblait le fameux "tunnel"

Bienheureuses pauses de chômage technique

Nous avions quand même quelques pauses : en moyenne 5 mn par heure, quand les machines cassaient et tombaient en panne. Je ne sais pas pourquoi, mais je trouvais cela très drôle. Les machines, c'est comme les Jeux d'Intervilles, c'est marrant quand ça casse. Moi, je supportais la tronche à Guy Lux pour voir les jeux casser et entendre les contestations, mais maintenant ce n'est plus marrant, ça ne casse plus et les équipes deviennent presque fair-play.
Mais pour en revenir à nos moutons, les périodes de panne étaient de courtes, mais agréables vacances. D'ailleurs, j'ai tout essayé pour casser la calendre tout en tentant de conjurer mon ennui : je frappais le bouton d'engagement de la tête, du poing, du pied, du coude... Mais rien à faire, la plaque de plexiglass tenait bon sous mes coups de boutoir répétés.

Variantes enthousiasmantes

La dernière semaine, j'ai testé la "sécheuse n°2", alias "sécheuse n°2", plus connue sous le nom de "la 2" qui sèche plutôt le petit linge : couches, mouchoirs, taies d'oreillers, torchons, serviettes. Il y a 4 postes pour passer dans cette machine : 2 pour les torchons, 2 pour les serviettes car il ne faut pas confondre les torchons et les serviettes. Fidèle à mon rang, je prenais toujours les serviettes. La raison réelle en était que quelque chose me chiffonnait quelque peu en ce qui concerne les torchons... Ils gardaient de côté tous les torchons piqués, pourris, moisis à en devenir noirs, pour les passer en dernier car la cuisine s'en servait, sous prétexte d'essuyer les grosses gamelles. Ce mystère me remplissait d'appréhension : la peur de trouver un jour au menu du self une soupe de champignons, ou du jambon en torchon.

Il y avait enfin la machine qu'ils appelaient le "pliage auto", et dont je ne me suis jamais servi. Dommage, j'aurais bien voulu y passer celle de mon père qui prend tout de même pas mal de place dans le garage.

Des vertus d'un boulot de merde

Arrivé à la quille, je contemplais les blanchisseurs à vie avec une dernière compassion pour leurs uniformes bleus qui pourraient aussi être ceux des bagnards de Cayenne.
Cette expérience est conseillée à tous ceux qui ne verraient pas l'utilité de faire de longues études.
Quant à moi, j'ai du aller consulter un psychologue qui m'a déclaré atteint d'un "blocage neurologique sur le linge propre". C'est-à-dire que je ne supporte plus sur moi que le linge visiblement sale. Le seul avantage est que j'ai pu enlever ce porte manteaux qui m'emmerdait depuis si longtemps : plus besoin de ça, maintenant mes fringues tiennent debout toutes seules !

Copyrat draleuq 1990

draleuq, 12h33 :: :: :: [4 élucubrations]

3 Octobre 2011 ::

« Télérat-lité »

:: Les dérapages du rat











Note : l'ONG Apopo et son créateur le belge Bart Weetjens (mes plus plates excuses à eux) sont tout à fait authentiques. La plupart des images non trafiquées de cette BD proviennent d'ailleurs de leur site. Si vous voulez faire un bon geste, vous pouvez même parrainer un rat géant détecteur de mines, c'est pas plus mal que d'envoyer des sous à Adriana ex-Karembeu pour payer des prothèses.
Hélas, la dépêche web qui a été recopiée à l'identique pour faire la voix de la télé est également tout ce qu'il y a de plus authentique...ment écrite avec les pieds. Et encore, j'ai retiré les fautes d'orthographe (Source : je sais plus, mais c'est pas une grosse perte.)

draleuq, 21h15 :: :: :: [2 pensées profondes]