Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Faut pas se
mettre la rate
au court-bouillon
Et ta soeur ?
De temps en temps, la Femme répand affreusement la démocratie. Ainsi, la justice s'échappe, se précipitant vers le néant de l'indifférence
Nabot Léon ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

30 Novembre 2011 ::

« Y'a du bourrin sous le capot ! - 1ère partie »

:: Elucubrations

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte deux :
1. Y'a du bourrin sous le capot ! - 1ère partie
2. Y'a du bourrin sous le capot ! - 2ème partie


Allons les amis pour clore (et non pas chlore hu, hu, hu) ce mois de novembre, voici une réédition un peu, et même nettement plus légère.
Sur (feux) mes deux anciens sites, mes statistiques me permettaient de savoir quelles requêtes donnaient l'occasion à nos honorables amis internautes d'arriver sur mon petit territoire numérique via Google (dans 90% des cas, et ce monopole ne semble pas devoir faiblir...)

Pour être très performants, les moteurs de recherche n'en sont pas moins très bêtes, puisque ce sont des machines. Il suffit donc que vous mettiez dans votre site les mots-clés parmi les plus demandés pour décrocher le jackpot. Ce procédé est d'ailleurs très répandu chez les webmasters qui veulent augmenter -un peu artificiellement il est vrai- leur nombre de visites.

C'est un peu ce qui s'était passé sur mon ancien blog, bien involontairement, puisque les mots "cul", "kamasutra", "godemichet" et autres étaient mentionnés isolément dans le cadre de certaines de mes assertions ineptes, comme dirait finipe.
... Oooops, je suis en train de recommencer d'ailleurs.

Voici, rien que pour vos yeux (ébahis, je le crains), le best-of des requêtes les plus consternantes à mettre à l'actif de mes visiteurs. Encore un billet dont l'humanité ne sortira pas grandie.

"sexe morde"
Il a oublié le R parce que rien que d'y penser il en avait mal. Et je le comprends.

"parfait cul"
Encore un anglophone qui cherche à utiliser un moteur francophone, ma parole. On dit un CUL PARFAIT ! Et puis tu sais, c'est affaire de goût.

"animal porno"
Au risque de te décevoir, cela n'existe pas. La pornographie est un vice qui n'appartient qu'à l'homme. C'est navrant, je sais, mais c'est ainsi.

"imberbe fille"
En français on dit "fille imberbe". Du reste elles le sont toujours. Enfin, presque toujours.

"kamasutra sans douleur"
Si ça te fait mal mon pote il faut consulter...

"photo jesus reviens"
Des photos de Jésus qui revient... Ambitieux, ça... Essaye à Pâques !

"photo de la bestialité animal avec la femme"
La bestialité animale est-elle pire que la bestialité humaine ?... Dans ce contexte oui, je vous l'accorde. Bon, OK, c'était ptet pas le moment de faire de la philosophie !

"sexe méthode de blocage kamasutra"
Problèmes d'éjaculation précoce ?

"gore+sang+mutilé+photos"
Sans commentaire...

"les plus gros seins naturels"
C'est vrai, rien ne vaut le naturel. Et puis le reste, ça porte malheur. Lolo Ferrari serait d'accord avec moi si elle était encore de ce monde.

"intellos retardés"
Ce n'est pas si paradoxal que ça y paraît. Je pense même qu'il y en a de nombreux.

"photos d'immolation"
Hum... Ça doit pas courir les rues. Pour être sûr d'en trouver, je te suggère de t'immoler et d'embaucher un pote pour te photographier.

"kamasutra pâte à modeler"
Exposition d'art moderne avec de la pâte à modeler ? Objet de substitution confectionné avec de la pâte à modeler (auquel cas, prendre de la pâte à modeler qui durcit à l'air, c'est plus prudent) ?

"les sites qui parlent d'un bonheur parfait"
Un peu de rêve / utopie / naïveté (rayez la mention inutile) pour changer !

"fond d'écran porno"
Si t'as besoin de ça pour allumer ton PC, faut te remettre à la machine à écrire !

"kamasutra pour expert"
Prétention et suffisance...

"fantasmes mielleux"
Si j'étais philanthrope, je dirais que celle-ci est très lyrique. Comme ce n'est pas le cas, je dirais plutôt qu'il rêve d'une tarte aux poils badigeonnée de miel (bon appétit !)

"gros seins vieilles"
Comme disait ma grand-mère, il en faut pour tous les goûts !

"nique sa race"
Quelle race ? Il n'y a qu'une seule race parmi nous, c'est l'homo sapiens sapiens et ses 46 chromosomes plus ou moins quelques uns. Ça en fait du monde à niquer, bon courage !

"nique la police"
Oué z'y va ta mère ils taguent même sur les moteurs de recherche maintenant !

"encyclopédie des très gros seins"
Une encyclopédie, rien que ça...

"kamasutra illustré pédagogique"
Belle initiative, mais à mon avis ça s'apprend sur le tas (enfin, pas forcément... elles peuvent aussi être minces !)

"actrice porno beurre"
Qu'entendait-il par "beurre" ? D'origine Maghrébine ? Ou qui aime les tartines au beurre ? Vous avez une autre idée ?

"le plus beau cul du web"
Mon pauvre ami, y'a tellement de culs sur le web que toute ta vie ne te suffirait pas à savoir quel est le plus beau.

"kamasutra+ombres chinoises"
J'imagine le spectacle, ça doit donner !

"cherche une fille en manque"
Malheureusement pour toi ça court beaucoup moins les rues que les mecs en manque.

"photos libidineuses"
Comme c'est joliment dit... et quel doux euphémisme !

"porno juvénile"
Encore un euphémisme, mais beaucoup moins joli celui-là ;-(

"les filles qui pissent dans la nature"
Ben c'est comme pour les garçons vois-tu, mais sauf que c'est plus embêtant parce qu'elles ne pissent pas debout. Voilà, ravi de t'avoir rendu service.

"cherche nymphomane"
Ah... Grosse envie ?

"le cul de ma soeur en photo"
Le moteur de recherche ne sachant pas a priori qui tu es, il ne sait pas non plus qui est ta soeur. Il est donc préférable d'entrer dans le moteur les nom et prénom de ta soeur si tu veux vraiment savoir à tout prix si son cul s'y trouve. J'espère ne pas t'avoir aidé.

"quels sont les site pedophile"
"je veut voir des photos de sexe femme avec animal"

Ces deux requêtes témoignent d'un manque d'expérience dans l'usage des moteurs de recherche. En effet, ceux-ci sont très susceptibles et ne supportent pas l'impolitesse. Quelques propositions pour améliorer votre requête : "je voudrais voir des photos de sexe femme avec animal, s'il vous plaît Monsieur Google" ou "pourrais-je éventuellement caresser l'espoir de savoir quels sont les sites pédophiles ? Espérant une réponse rapide, je vous remercie d'avance de la réponse que vous voudrez bien faire à ma demande dans votre immense bonté et vous prie d'agréer, Monsieur Google, l'expression de mes sentiments respectueux."

"sondage sur godemichet"
Cet internaute a sans doute fait une erreur sur le deuxième mot ? Je pense qu'il voulait plutôt écrire "avec".

"photo d'animal en voie distinction"
L'illettrisme, fléau des temps modernes.

"sado maso hamac"
Moi je cherche un lit qui me gratte la tête et me lime les ongles des pieds. Si vous avez ça en rayon, n'hésitez pas à me le signaler.

"godemichet + sens"
Quand on ne sait pas dans quel sens le mettre, il faut consulter le mode d'emploi.

... et la suite au prochain épisode !

Copyrat draleuq 2003-2009

draleuq, 11h40 :: :: :: [3 critiques dithyrambiques]

23 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 7 : traversée du désert cyclothymique »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7



Et dire que je dois me supporter à longueur de journée.

Tony Scott (Le dernier samaritain)


Une semaine sans post. Normal, diront ceux qui me connaissent un peu. C’était la rentrée, il a dû être débordé de taf.
Eh ben non.
Enfin si, j’étais effectivement débordé… Mais j’ai laissé la casserole sur le feu sans même prendre la peine de lever mon derche pour éteindre.

Oisiveté ?

Aussi loin que je m’en souvienne, du moins dans ma vie adulte (QUI a dit qu’elle n’était pas encore commencée ?), ça m’arrive, de temps à autre, pas trop souvent heureusement, à intervalles irréguliers, pour une durée irrégulière, et pour des causes qu’il est très difficile d’identifier, voire sans raisons apparentes.
Il y a des années de cela, j’appelais cela « l’oisiveté », finipe s’en souviendra aisément. Mais ce n’est pas cela.
L’oisiveté, cette tare honteuse tant décriée par la bourgeoisie de la troisième république, qui la considérait comme un fléau, presque de santé publique (« le travail, c’est la santé »), à une époque où la « classe laborieuse » se tapait 12 à 14 heures de boulot tous les jours, sauf les dimanches et jours fériés, sans congés payés, et où ceux qui clamaient haut et fort les vertus du travail étaient généralement… rentiers.
Non, ce n’est pas cela. L’oisiveté a un aspect volontaire, assumé. « Je glande et j’en suis fier ».
Alors que là, c’est tout l’inverse : je voudrais désespérément faire quelque chose de mes dix doigts, fussent-ils dix pouces sur deux mains gauches, mais je n’y arrive pas. Pas la force. Rien à faire.

Pas envie

Pas envie de bosser. Surtout pas. Pas envie d’écrire, pas envie de bloguer. Pas envie de lire non plus. Pas envie de faire du sport, t’es fou toi. Même pas envie de m’amuser.
Il fut un temps où la seule chose que j’arrivais à faire était de me vautrer comme une bouse dans le canapé et regarder la téloche, quitte, s’il n’y avait vraiment rien, à louer des DVD ou, pire, à zapper de chaîne en chaîne, jusqu’à ce que je ne trouve rien à regarder. Et je pouvais mettre longtemps à ne rien trouver. Suffisamment longtemps pour être assez fatigué pour aller me coucher, point final de cette pitoyable journée.
A cette époque, je pouvais encore me trouver normal, surtout lorsque j’ai pris connaissance des statistiques sur le temps journalier moyen passé par les français à regarder cet instrument de lobotomie médiatique : 3 h 54 mn. Là, je dois dire que ça m’a scotché. Nous y reviendrons une autre fois.

Mais je dois dire que maintenant, le fossé s’est creusé entre la normalité et moi : lors de mes traversées du désert (vous l’aurez compris, c’est ainsi que j’ai rebaptisé ces étranges crises), non seulement je ne supporte plus de regarder la télé, mais je ne supporte généralement même plus de l’allumer. Ce serait du temps gaspillé sur mon temps perdu.


Pourtant, j'y mets de la bonne volonté, et j'anticipe le problème jusqu'à effectuer, par prévention, comme ce cliché l'atteste, des stages de traversée du désert avec toute la panoplie qui sied aux circonstances (dromadaire, chèche, etc...)

Désert de la gamberge

A quoi ressemblé-je alors dans ces funestes circonstances ? A une statue, une bien triste statue sans doute, en apparence. Mais ce serait ignorer l’intense activité cérébrale qui se joue au fond de cette figure de marbre. Sous le calme apparent du désert, il y a une tempête sous mon crâne, où chaque pensée est un grain de sable qui se mêle aux autres dans un tourbillon de confusion. A ce jeu-là, mon désert de la gamberge n’a rien à envier au Sahara.
Il faudrait que je fasse ça, et ça, et ça, et ça. Pffff pas envie. Pfffff, je sais même pas par où commencer tellement y’en a à faire. Je n’y arriverai jamais. Attends, faut que je note la liste sur un papier pour rien oublier. Oh pis non, ça va me décourager encore plus, et c’est pas peu dire.
Pourquoi ça a foiré ce truc-là, hein, pourquoi ? J’avais pourtant tout fait pour que ça marche, alors, hein, vous pouvez me dire, vous, pourquoi ça a foiré ?
Je doute. Je doute de lui, d’elle, d’eux, de toi, de vous, de moi en particulier. Rien n’est sûr, rien n’est acquis, tout s’barre en couille ma pôv’dame, on peut plus compter sur rien ni personne. Même pas sur soi.
Et c’est pas en restant là à se lamenter que ça va bouger, ça c’est sûr. Ni en se posant des questions à n’en plus finir. Pourtant, les questions se posent d’elles-mêmes, et si j’ai pas les réponses, ça sert à rien de bouger parce que je risquerai de bouger pour rien et de tout devoir refaire en suite. Et je les ai pas les réponses, tu penses bien. Sinon, ça se saurait.

Ah ce que je peux me haïr, m’abhorrer, me faire horreur, me sortir par les trous de nez dans ces cas-là. De quoi éviter consciencieusement tout passage impromptu devant un miroir. Plutôt que de m’y noyer comme Narcisse, je le briserais comme Dracula. Et la promesse de sept ans de malheur serait peut-être bien celle de trop.
Passer ces heures, ces jours prostré avec les méninges qui tricotent des napperons, alors que la vie est si courte, si c’est t’y pas honteux !

Abrégé d’existentialisme à un euro

En fait, tout se passe comme si j’apprenais que je vivais mes derniers jours, que ce soit par le biais d’un cataclysme individuel ou collectif. A quoi bon ? Pourquoi se faire chier ? Ca rime à quoi ? Oùsuisjeoùvaisjedansquelétatj’erre ? Pourquoi existé-je à me être-là en me soi de ma conscience à moi ? Hein ? Pourquoi moi ? Pourquoi moi chuis moi et pourquoi toi t’es toi ? Et pourquoi que chuis pas quelqu’un d’autre, toi par exemple ? Et toi ça te ferait quoi si t’étais moi ? Ah ah, chuis sûr que tu t’en sortirais pas mieux que moi !
Je me souviens que je me posais souvent ce genre de question existentielle quand j’étais gamin.

Mais alors, me direz-vous, quand il faut que je fasse des trucs, par la porte ou par la fenêtre, par exemple assurer une rentrée, moi qui ai des responsabiltéssSSS, comment que je fais ? Eh bien, j’attends d’avoir le dos au mur. Et même là, je ne bouge qu’à reculons. Essayez donc, vous, de bouger à reculons quand vous êtes le dos au mur ! Ah ah ! Vous m’en direz des nouvelles !

Après le désert, le beau temps

Dans ce désert, ce paysage lunairtique, il n’y a même pas de mirage, même pas d’espoir, même pas d’illusion. Rien. Les dunes succèdent aux dunes, monotones et sempiternelles.

Et puis, au détour d’une nouvelle et énième dune, zou, une oasis.
Rien ne la préfigurait, rien ne l’annonçait. Et cette oasis est tellement grande qu’à perte de vue, je ne vois plus aucun désert.
Sauf que je sais qu’il est là, quelque part. Et qu’il reviendra comme il est reparti. Sans prévenir.

Alors profitons en pour écrire des conneries sur mon blog, avant qu’il ne m’assèche.

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 09h22 :: :: :: [2 lettres de suicide]

20 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 6 : l'ombre du jour »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


I close both locks below the window
I close both blinds and turn away
Sometimes solutions aren't so simple
Sometimes good bye's the only way

And the sun will set for you
The sun will set for you
And the shadow of the day
Will embrace the world in grey
And the sun will set for you

Linkin Park (The Shadow of the Day)


3 heures 41.
Qu'est-ce qu'il fout là à écrire alors que le glas du réveil retentira à 7 h 15 pour l'emmener vers une longue journée de travail ?
Epineuse question qu'il ne se pose pas pour la première fois de son existence, loin s'en faut.

A chaque fois qu'il doit s'efforcer de rebâtir sa vie sur un champ de ruines fumantes, il donne le change, tant bien que mal, toute la journée, avec même parfois des moments de bravoure.

Et puis l'horloge avance, avance, la nuit tombe, et l'heure de se coucher et de dormir revient inexorablement. A nouveau, la hantise de l'horizontalité, l'angoisse de la gamberge nocturne.

Alors il recule, encore et encore, l'échéance tant redoutée.
Rangement, vaisselle, ordinateur, même sans internet, tout est bon pour traîner, traîner encore.

Il pense à des trucs auxquels il ne devrait pas penser, il lit des trucs qu'il ne devrait pas lire. Il se trouve faible. Il se hait pour ça, il se déchire, il s'écorche, il écoute du trash pour ne pas s'entendre hurler à l'intérieur.

Il se mine, il se détruit, sans alcool, sans shit, sans héroïne, sans médocs. Il s'abrutit à la fatigue, jusqu'à ce que ses yeux se ferment tous seuls, jusqu'à ce que son corps ne veuille plus rien savoir, et là seulement il cède aux assauts chronobiologiques.

Il ne se couche pas, il s'écroule.

Je est un autre


Arthur Rimbaud


Mais bien souvent, ça ne suffit pas encore, et dès qu'il éteint la lumière à tâtons, de grandes mains invisibles viennent le prendre et le déchirer dans tous les sens, de l'intérieur.
Il ne peut pas appeler au secours, personne ne l'entendrait.

Pour un peu, il faudrait lui brancher une petite veilleuse, comme les gosses. Il se souvient de celle de son petit frère, elle était verte et il y avait un nounours dessus.

Et puis, quand les mains en auront fini avec lui, elles le lâcheront d'un seul coup et, d'épuisement, il sombrera aussitôt dans le néant, pour quelques heures. Deux, trois peut-être.

Il sera crevé à la seconde même où il s'éveillera, il errera souvent tel un zombie, mais globalement il honorera sa journée en tenant sur les nerfs, en n'arrêtant pas de se répéter que ce soir, il ne faut pas qu'il recommence. Qu'il faut qu'il se couche à 21 heures pétantes.

Mais le moment venu, la hantise surgira encore, effaçant toute fatigue comme par magie et lui ouvrant les yeux tous grands.

Il en est fier, quelque part, de sa souffrance. Il n'aimerait pas être blasé, ni indifférent, même si ça semblerait être confortable au premier abord. Il préfère de loin douiller que s'en foutre.
S'en foutre, ce serait le plus grave renoncement de son existence. Il ne le supporterait pas. Accepter, oui. Du reste, il n'a pas le choix. Mais renoncer, jamais. Plutôt crever.

Copyrat draleuq 2007


Je dédie ce billet aux insomniaques occasionnels ou - plus grave pour eux - systématiques. Et en particulier à ab6 et brath-z, amis insomniaques de ma blogosphère passée et présente.

draleuq, 20h45 :: :: :: [0 sarcasme grinçant]

16 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 5 : miroir déformant »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


Tu la voyais pas comme ça ta vie,
Tapioca, potage et salsifis.
On va tous pareils, moyen, moyen...
La grande aventure, Tintin,
Moi aussi, j'en ai rêvé des cornemuses.
Terminé, maintenant. Dis-moi qu'est-ce qui t'amuse ?
(…)
Tu la voyais pas comme ça frérot
Doucement ta vie t'a mis K.-O.
T'avais huit ans quand tu t'voyais
Et ce rêve-là on l'a tous fait

Alain Souchon


J’ai surpris tout à l’heure une conversation entre ma fille et une de ses copines.
« Il y a eu ma mère, et puis j’en ai connu une, quand j’étais petite, elle avait trois enfants, et puis une autre, elle était docteur, et puis une troisième qui avait une fille, mais ça n’a pas duré longtemps, et puis il y a eu Machine… »
J’ai tendu l’oreille, craignant le pire.
Et comme presque à chaque fois que je crains le pire, on était en plein dedans. C’est marrant comme c’est la seule chose pour laquelle je ne me trompe pas.
Hélas, l’esprit finaud du lecteur de blog moyen l’aura déjà deviné : elle était bel et bien en train de réciter la longue litanie de mes « ex ».
Ma fille n’a que neuf ans, et à neuf ans, les doigts de sa main lui suffisent à peine pour dénombrer les nanas qu’elle a vu défiler dans ma vie… Je ne parle même pas de celles qu’elle n’a pas vues.

Une seule question me vient à l’esprit : comment ai-je pu en arriver là ?
Comment ai-je pu en arriver là, alors que s’il y avait bien un seul domaine où je n’étais pas naturellement destiné à devenir inconséquent, versatile et velléitaire, c’était bien celui-là ?
Comment ai-je pu en arriver là, moi le monogame impénitent qui avais (et aurai toujours) des bouffées de chaleur de stress à l’idée de tromper quelqu’un ?
Comment ai-je pu en arriver là, moi qui, une fois « en couple », deviens imperméable à toutes les stimulations extérieures, au point de ne même pas les voir, tel un autiste, et au point que ce sont généralement les autres qui me font alors remarquer que j’ai eu un « appel du pied », terme à la mode ces jours-ci…
Comment ai-je pu en arriver là, moi qui à 25 ans croyais encore à la relation unique, à perpet’, pour le meilleur et pour le pire ?
Comment ai-je pu faire ça, moi qui constate chaque jour les ravages que peut parfois occasionner sur les enfants l’instabilité affective de leurs parents ?
Comment ai-je pu faire ça, moi qui voulais tant donner à mes gosses un exemple à suivre, dans la mesure de mes humbles moyens ? Il faut croire qu’ils étaient encore bien plus humbles que je ne le redoutais.

Pourtant, c’était argumenté tout ça. Par moi, et par les autres.
Rester avec quelqu’un en étant malheureux, pour ses enfants, c’est pas bien. C’est bien connu : ils ne sont pas cons, ils s’en rendent compte. Si tu es malheureux, tu ne seras pas un bon parent. Et puis, ils peuvent comprendre, les gosses, faut pas les faire plus bêtes qu’ils ne sont ! Et puis aussi, ils ne seront pas toujours là. Un jour ils partiront de chez toi, et alors que feras-tu quand tu te retrouveras seul à te regarder en chien de fusil avec leur mère que tu auras supportée tant bien que mal pendant toutes ces années, rien que pour eux ? Tu auras même de quoi leur en vouloir, pour le coup.
C’est sûr, on a toujours un tas de bons prétextes pour dire que ce qu’on a fait, c’est ce qu’il fallait faire de toute façon.
Personnellement, tant qu’un ange ne m’apparaîtra pas en provenance directe de l’au-delà pour m’affirmer et me soutenir mordicus que ce que j’ai fait c’était bien, je serai toujours persuadé du contraire. Autant dire que c’est pas gagné, à moins que je ne sombre définitivement dans une schizophrénie hallucinatoire.

C’était réfléchi aussi. J’ai toujours entouré le processus de mille et une précautions. D’abord, j’étais persuadé qu’il fallait attendre avant de procéder aux « présentations ». Ne pas mêler notre innocente progéniture à une histoire qui pouvait capoter en quelques jours, quelques semaines ou quelques mois.
Mais seulement voilà, ça peut aussi, et même surtout, foirer après les dites présentations. Bah oui, un type avec deux gamines, même s’il n’a pas la garde, et même si elles sont plutôt mignonnes, ça peut être lourd parfois. On ne peut pas faire ce qu’on veut quand on veut.
Alors on se fout en rogne et après avoir transigé, après avoir accepté trop de compromissions, on finit par se dire qu’on doit nous accepter avec nos gosses, sinon rien. Mon sang bout encore dans mes veines de m’être parfois laissé traîner sur la pente funeste de négocier ce qui n’aurait en aucun cas dû être négociable.
Alors on prend le problème dans l’autre sens. On fait les présentations presque immédiatement, comme ça on est fixé, et on cache cette idylle aux marmots, pour quelques temps. Mais ça ne peut pas durer longtemps, car comme nous le disions, les enfants ne sont pas des billes. Et parce que c‘est particulièrement difficile d’être discret dans une idylle naissante.
Mais pour moultes et moultes raisons qu’il serait vain de vouloir énumérer ici, ce qui marche au début peut également foirer au bout de quelques semaines, quelques mois, quelques années…

Et j’en viens à penser que non seulement ça peut foirer, mais que ça doit foirer de toute façon. Autant dire que je suis sur la corde raide.

Comment ai-je pu en arriver là ?



Copyrat draleuq 2007

draleuq, 14h57 :: :: :: [3 élucubrations]

13 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 4 : inconséquent, versatile, velléitaire »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


Le but de l’homme moderne sur cette terre est à l’évidence de s’agiter sans réfléchir dans tous les sens, afin de pouvoir dire fièrement, à l’heure de sa mort : « Je n’ai pas perdu mon temps. »

Pierre Desproges


Ce matin, à 4 heures, je suis tombé du lit. Au sens figuré, le sens propre ne m’étant plus arrivé depuis un moment. Le sens figuré lui-même ne m’arrive pas très souvent, étant plutôt du soir que du matin. Mais j’aime bien quand ça m’arrive. Ne dit-on pas que la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt ?

Tout m’irait à la perfection, à vrai dire, si cette chute de lit inopinée n’était pas due à une insomnie, elle-même née d’une intense activité cérébrale de nature velléitaire.

La versatilité est le plus grand drame de ma pauvre existence, et ce sera le sujet de ce pamphlet furibond contre moi-même.

Con pulsions

Déjà quand j’étais gamin, je me signalais par des entreprises très osées. Les adultes poussaient parfois des cris admiratifs (parfois aussi des cris de terreur) : « Quel sens de l’organisation ! Quelle ambition déjà à son âge ! » Déjà à l’époque, je ne finissais jamais rien.

L’entreprise a toujours été pour moi quelque chose de compulsif : il faut que ça sorte, là, tout de suite, maintenant, toutes affaires cessantes, que je m’y jette à corps perdu. Malheureusement, l’enthousiasme fait presque invariablement mèche courte , et l’élan irrésistible redescend aussi vite qu’il est monté, laissant place à un truc de plus pas fini.

Car je suis un homme très occupé. Tellement occupé en fait que je commence beaucoup de choses et que je ne finis presque rien. Je suis de ces gens qui crèveront forcément (quel que soit l’âge du décès) avec une indicible amertume provenant d’un sentiment d’inachèvement.


Litanie non exhaustive de l’inachevé

Quand je commence un bouquin, il m’arrive fréquemment de ne pas le finir. Il faut dire que j’en commence régulièrement trois ou quatre à la fois.

Ça fait dix ans que je dois reprendre la guitare. Que je « dois », oui…

Il y a des tonnes de gens que je devais rappeler pour ne pas les perdre de vue. Remarquez, il y en a aussi des tonnes qui devaient me rappeler pour le même motif.

J’ai commencé à écrire un bouquin. Plus je le continue, moins je le termine. Vous allez me dire : « eh bien continue-le au lieu de te plaindre sur ton blog que tu ne le continues pas ! » Mais c’est bien là que le bât blesse : j’ai pas envie, pour l’instant. Pas l’inspiration, pour l’instant. Elle reviendra, pour une crise de quelques jours. Puis elle repartira, comme elle est revenue.

J’ai déjà je sais pas combien d’autres idées de bouquins. Je me suis amélioré quand même, il fut un temps où je les aurais commencés aussi. Là, je me suis contenté de prendre quelques notes.

J’ai eu deux enfants, j’ai même pas été foutu de faire en sorte de les élever à plein temps.

« Héclectoclite »

Mon goût pour l’éclectisme et l’hétéroclite me donne des sueurs froides. Mon cerveau, transformé en machine infernale emballée, se refuse à privilégier quelque chose pour en négliger une autre. Mais comment faire, pour le si petit cerveau d’une si petite fourmi perdue dans un si vaste et si complexe monde ? C’est mission impossible. Et pas mission impossible possible, comme avec Tom Crouze ; mission impossible vraiment IMPOSSIBLE. Qui touche à tout du bout des doigts laisse filer pas mal de choses.

Quand on me mettait un dictionnaire encyclopédique entre les mains, 4 heures après j’étais toujours dessus mais j’avais oublié ce que j’y cherchais au départ.
C’est devenu exactement la même chose avec ces sacrés foutus moteurs de recherche internet. Autant vous dire que quand j’ai découvert l’usage que la majorité de mes congénères en faisaient, j’ai réprimé un hoquet !

Mais fi de cette médiocrité, du coup j’ai bâti ce qu’aucuns appellent avec une pointe de pédantisme une « culture générale ».

Culture gÊnérale

Nombreux sont ceusse qui saluent mon IMMENSE culture générale. Mais il ne faut jamais oublier qu’avoir une grande culture générale, c’est savoir beaucoup de choses en général, mais c’est aussi ne savoir presque rien en particulier.

Et puis, j’en ferai quoi, de ma culture générale, quand je casserai ma pipe ? Et même avant, quand je serai un vieillard Alzheimerien ? Il paraît que la culture c’est ce qui nous reste quand on a tout oublié. Ça reste encore à prouver gniiiih gueudfreu gueudfreuuuuu…

Dans la tombe, ma culture générale me sera d’une utilité proche de celle du pognon que j’aurai amassé, c’est dire.

Ah oui ! Il faut que je la transmette ! Et ça tombe bien me direz-vous, c’est même mon métier ! C’est à travers mes élèves que ma culture générale survivra quand je serai mort, Alleluia ! (putain qu’c’est beau !)

Seulement voilà, faut pas faire du transmissif. C’est has been et c’est mal. Nous n’avons rien à leur apporter, les élèves savent déjà tout. Nous sommes juste là pour les aider à « conceptualiser leur pensée ». Les bienfaits de l’école moderne.


Non, non… ne pas… zzzz… dormir… zzzzzzzzz

Je m’en veux de devoir dormir 8 heures par nuit. Dormir, c’est mourir un peu, jusqu’au lendemain.

A une époque, je me suis cru très malin, et j’ai cru pouvoir grignoter du temps supplémentaire en le prenant sur ces 8 heures que nous impose la dictature du rythme circadien. Lourde erreur, car les heures récupérées, ainsi que les autres heures d’éveil, étaient deux fois moins efficaces. C’est mathématique : [(24-4)/2=10] < [(24-8=16)]

La sagesse de l’homme mûr m’a donc fait renoncer à ce miroir aux alouettes.

Vade retro farnientas

Je m’en veux de dormir, mais je m’en veux encore plus quand j’ai envie de ne rien foutre. Toutes ces choses à faire qui remplissent mon agenda toujours trop rikiki, toutes ces choses à voir, à lire, à apprendre, à comprendre et à ressentir, toutes ces choses qui s’amoncellent, et moi qui suis oisif. Comment une hérésie pareille est-elle possible ?

L’inactivité m’insupporte. Si je m’allonge pour un « farniente » (mot qui signifie « ne rien faire »… L’horreur absolue !), dans un fauteuil ou sur la plage, j’ai l’impression qu’une horloge géante au « TIC TAC » cataclysmique se met à résonner entre mes oreilles, avec cette litanie en voix de fond :
« Draleuq, le temps égrène ses secondes, chaque seconde qui passe est irrémédiablement perdue, et toi tu ne FAIS RIEN ! N’as-tu pas honte ? »

Il faudrait que chaque journée de 12 heures dure 24 heures, mais sans empiéter sur la journée de 12 heures suivante et sans fatigue supplémentaire, de sorte que chaque vie de 80 ans en durerait 160, avec conservation des facultés, sans avoir la tremblote ni se baver dessus. Je ne suis pas sûr d’être très clair, mais je me comprends.

Le blog, un combat quotidien

Regardez bien. Cliquez sur les deux mois précédents. A peine créé, ce blog témoigne déjà de ma versatilité sans bornes. Trois billets en trois jours, ça et là, et puis des trous de dix jours sans billet. D’accord, j’étais pas là. Mais bon, j’aurai toujours une bonne excuse à vous donner.

Finipe l’avait bien dit, lui qui me connaît : « fais gaffe, un blog ça se met régulièrement à jour, sinon c’est pas la peine d’en avoir un ! »
C’est donc une lutte de tous les instants, une véritable gageure, jamais réellement gagnée. Pour l’instant je tiens, mais pour combien de temps ?

Pourtant, vous avez peut-être devant les yeux ce qu’il y a de plus abouti dans ma vie, puisque par définition ça peut ne pas finir… jusqu’à ce que mort s’en suive.


Allongez-vous sur le divan

Peut-être qu’au fond, je n’ai pas envie de finir quoi que ce soit. Peut-être ai-je une angoisse, une peur morbide de finir quelque chose. Peut-être pensé-je inconsciemment (essayez, vous, de penser inconsciemment, vous allez voir, c’est chaud !) que terminer quelque chose est un peu comme terminer son existence, et que je vais me retrouver ensuite les bras ballants, sans plus savoir quoi faire (vade retro !), un peu dans cet état d’esprit, avec le doigt sur une touche de piano :

Tadadada tadadada tadadada tadadada
Et maintenant, que vais-jeu faiiiiii-reuh ?

Gilbert Bécaud


Con… Conclu… J’arrive pas à finir le mot

Toujours est-il que pour l’instant, me voir terminer quelque chose, en dehors de mon steack frites, d’un DVD ou d’une pile de copies à corriger (parce que y’a pas le choix !) est du même ordre de probabilité que de voir un phoque jongler avec des pots de yaourt vides sur un fil à linge.

Du coup, je commence à entrevoir l’épitaphe qui pourrait orner un jour ma tombe :

« Ci gît Draleuq. Toute sa vie durant, il a essayé
de commencer à finir quelque chose »

Ou alors, plus simplement :

« Ci gît Draleuq. Toute sa vie durant, il a… »


Ah chers lecteurs ! La versatilité est le poison de mon existence terrestre. D’ailleurs en voici bien la… tuuuut tut tut tut tut...

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 20h47 :: :: :: [2 lettres de suicide]

9 Novembre 2011 ::

« Rat-bilitation »

:: Les dérapages du rat




A l'occasion de ce 11 novembre et avec 2 jours d'avance (je ne serai pas là le 11), j'interromps donc brièvement (quoi que...) ma série "Sinistrose" et je dédie ce billet à l'australien Claude "Chuckle" Choules, dernier poilu du monde, qui a rendu son dernier soupir en mai dernier, à l'âge de 110 ans, et qui répondait, quand on lui demandait son secret de longévité : "respirer régulièrement".
Je lui dédie à lui et à tous les autres. "Their name liveth for evermore" (Rudyard Kipling)

draleuq, 15h56 :: :: :: [0 gentillesse]

7 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 3 : les grosses commissions »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


Nous avons connu des jours meilleurs.

W. Shakespeare ("Timon d'Athènes")


Je vois à votre œil terrifié que vous craignez mon inexorable régression au stade fécal. Soyez rassuré : il s’agit uniquement de parler du phénomène que nous pourrions appeler « premières courses d’un nouveau célibataire ». Je n’en suis hélas pas à mon premier coup d’essai en la matière, ce qui me permet d’en tirer quelques réflexions.

N’ayez pas peur donc, il ne sera pas question de scatologie. Même si ça fait bien chier.

Travail le jour, mise en ordre minimale la nuit, jusqu’à ce que la circulation dans l’appart soit possible sans se prendre les pieds dans des cartons. Après, il faut que les Enfoirés De Fainéants daignent rétablir l’électricité (s’il y a bien un point sur lequel je ne contredirai pas Sarkozy, c’est sur la réforme des régimes spéciaux ![1])

On branche le frigo vide, et là on s’asseoit pour la première fois depuis des jours et on est face à une alternative : soit se laisser mourir… C’est pas forcément qu’on n’y ait jamais pensé, mais pas comme ça, c’est trop douloureux. Ou alors, se résoudre à se diriger promptement vers l’hypermarché le plus proche pour racheter les produits de première nécessité.

Et là, nous allons assister à une affaire longue de plus de deux heures, et qui ne sera pas hélas sans me laisser un fort arrière-goût de déjà-vu.

Penchons nous quelques instants sur le ticket de caisse de 3 km de long qui a résulté de cette expédition :

- Cassoulet
- Maquereau à la moutarde
- Pâtes


Bien manger, c’est important. La malbouffe, je suis contre. Aussi, pour me consoler des vicissitudes de l’existence, je vais me mitonner des petits plats gastronomiques que je me servirai tous les soirs sur une table vêtue d’une nappe et de toute mon argenterie, avec pourquoi pas une petite chandelle, mais oui.

- Salade en sachet
- Filet de bœuf


Il faut manger frais aussi parfois. La salade, c’est frais ça. Mais en sachet, sinon faut la laver, c’est trop fatiguant. Et puis, pour les grands jours, LE filet de bœuf qui tue. Un seul à la fois bien entendu, c’est un steack de célibataire. Je me permettrai même peut-être le luxe de cuire ce jour-là des légumes FRAIS, et même, suprême fantaisie, peut-être que je ferai une sauce au roquefort même pas lyophilisée. Pour l’instant, ça relève du projet à moyen/long terme. Aussi, le filet de bœuf a illico rejoint le congélateur.

- Poivre gris
- Cannelle
- Paprika
- Curry


Pour épicer un peu ma vie. Je pense qu’elle va en avoir un mortel besoin.

- Un citron vert
- Un litre de rhum paille
- Cassonade


De quoi me faire un ti’punch pour fêter dignement mon déménagement. Youpi ! Je vais me la pendre tout seul, cette salope de crémaillère. Je n’ai pas poussé le vice du célibataire jusqu’à acheter le rhum en petite fiole. On la pendra donc à nouveau avec les potes. On pourra même la défenestrer. Avec la vue qu’il y a, c’est une belle mort.

- Rideau de douche
- Barre télescopique
- Crochets en plastique


S’il faut passer la serpillière pendant trois quarts d’heure après chaque douche, je préfère encore ne pas en prendre. Et ça va, l'installation d'un rideau de douche téléscopique, ça reste encore dans mes cordes au niveau bricolage...

- Lot de trois casseroles Tefal

Les miennes étaient usées, ce qui est cancérigène parait-il. Ça non plus c’est pas la meilleure façon d’y passer, même si on n’a pas forcément le choix. En plus, elles avaient passé un an dans un garage à prendre la poussière. Allez hop, on casse la tirelire pour une véritable batterie de casseroles de célibataire (une très petite, une petite et une très moyenne), même pas une offre spéciale…

- Papier hygiénique
- Balai à chiottes


Je vois vos mines déconfites, ô mes lecteurs invétérés (merci à vous trois), vous qui avez toujours pensé que draleuq ne faisait pas caca. Soyez rassurés, vous aviez raison. Le mythe ne s’effondre pas, donc. Mais il faut quand même que je prévoie ces accessoires pour quand j’ai des invités. Vous, par exemple.

Je vous épargne le reste.
Dans ces cas-là, on n’arrête pas de faire les courses comme habituellement, quand on a pris tout ce qu’il nous fallait.
Non, dans ces tristes circonstances, on arrête quand le caddy est plein à ras bord, qu’on ne peut plus mettre quoi que ce soit d’autre sans que ça tombe, et quand il faut déployer des trésors de force musculaire pour réussir à faire démarrer le chariot lorsqu’il est à l’arrêt.
Une fois parti, entraîné par son poids, il roule tout seul jusqu’à la caisse. Si tu fais pas gaffe, il peut même écraser malencontreusement une vieille mégère ou le gosse morveux d'une morue qui passe par là.
T’as pas encore fini de vider le caddy d’un côté que le tapis roulant est déjà rempli de victuailles de l’autre.
C’est le signe des mauvais jours pour le larfeuille.
Note totale, 263,07 €.
Vous en conviendrez, ça fait mal au cul, les grosses commissions.
Et ce qui fait plus mal encore, c’est de savoir qu’on a juste paré à l’urgence, mais qu’il reste encore ça, ça, ça et ça à acheter, sans oublier surtout ça.

Absorbé par ces pensées, je produis mon effort pour faire redémarrer le chariot poids lourd, lorsque la caissière m’appelle.
- Vous avez oublié ça ! me dit-elle avec un sourire comme compatissant. Et elle me tend un ticket bordé de rouge.
« 4,69 € à valoir lors de votre prochain achat sur l’ensemble du magasin ».
Merci qui ?

Copyrat draleuq 2007


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1. Régimes spéciaux qui, on peut le dire 4 ans plus tard, ont été vachement réformés. Maintenant, ce sont des régimes spécifiques. Ça change tout.

draleuq, 22h38 :: :: :: [0 élucubration]

5 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 2 : de l'art du déménagement (suite) »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


L’enfer et le paradis sont terrestres : nous les emmenons avec nous partout où nous allons

Christophe Colomb


Mnémotechnique

Il faut d’abord accepter l’idée que ça ne va pas. Puis accepter l’idée que quel que ce soit ce que tu tentes, ça ne va pas mieux. Puis admettre que tu n’as plus la force de chercher autre chose à tenter. Et enfin, il faut accepter l’idée que ça n’ira jamais mieux et que tu n’as pas d’autre choix que de foutre le camp si tu ne veux pas te retrouver à l’état de carpette.

Je me souviens, au début, quand on aspirait qu’à être l’un à côté de l’autre et que les gosses, sentant bien quelque chose, faisaient tout pour se mettre entre nous.

Il faut chercher des annonces, appeler des agences. Il faut visiter des appartements. Il faut en choisir un. Il faut déposer un « dossier de candidature ». Tout juste s’ils te demandent pas une analyse de sang et un certificat de bonne moralité. Moi encore, j’ai de la chance, j’suis un enfoiré de fonctionnaire.

Je me souviens, quand tu m’appelais à 11 h 00 pour qu’on bouffe ensemble le midi. Un kebab sur le pouce ou une pierrade dans le p’tit machin d’en face. Moments furtifs, au timing serré, mais moments privilégiés.

Il faut payer le dépôt de garantie et les honoraires, vite. Prouver que tu es solvable, tout de suite. Il faut faire réexpédier le courrier, faire changer l’assurance d’adresse, et quand ils te demandent pourquoi, leur dire d’une voix enrouée que c’est pour une séparation, Madame.

Je me souviens de la chaleur moite des nuits martiniquaises sous la moustiquaire, au chant des grenouilles.

Il faut faire rétablir l’eau courante et l’électricité. Y’en a pour cinq minutes, mais ils peuvent venir que le vendredi après-midi n’importe quand entre 12 heures et 16 heures. Comment ? Avoir une idée plus précise de l’heure ? Non M’sieur, c’est impossible. Paraît qu’EDF a été privatisée. C’était vraiment pas la peine, ça change strictement rien.

Je me souviens, quand on ne s’est pas rendu compte que l’eau coulait plus vite que ma douche pourrie ne pouvait le supporter, et que la flotte avait déjà débordé et inondé tout l’appart’ avant qu’on ne le réalise. Je nous revois à quatre pattes, à poil, morts de rire, en train d’éponger nos conneries.

Il faut faire rétablir le téléphone, la connexion internet et tous les privilèges de nanti. Il faut faire le « partage ». Il faut solliciter les bonnes volontés pour se faire aider.

Je me souviens d’une séance de pauses photographiques décapantes avec des statues Grecques. Je me souviens quand tu trottais sur un coursier arabe à l’orée du désert dans le soleil déclinant.

Il faut louer un camion, le remplir, le conduire, ne pas l’emboutir, le vider, charrier les meubles dans les escaliers, s’écorcher les mains, se niquer le dos, se faire des bleus à l’âme.

Je me souviens de tes mots dans un bar nommé l’El Dorado. Des mots que je n’attendais plus, ce qui les rendit d’autant plus inoubliables. Je me souviens de mon cœur battant la chamade à ces mots. Je me souviens que cette nuit-là, ce bar porta bien son nom.

Il faut déménager les meubles, les abonnements, les charges, les contrats, faire toutes ces démarches si pénibles et si rébarbatives, d’autant plus quand t’as pas l’esprit à ça, d’autant plus quand le moment t’est plus ou moins imposé, que t’es même pas en vacances et que tu dois continuer à assurer le boulot en parallèle.

Je me souviens de mille autres choses, souvenirs riants hier, plaies profondes aujourd’hui.

Il faut enfin déménager dans sa tête, et ça c’est encore beaucoup plus difficile que tout le reste.

Faut pas trop pousser les déménageurs dans les orties

Juin 2001, février 2002, octobre 2002, août 2005 (presque trois ans, waouuuuh ! la performance !), juillet 2006, mai 2007…
Ooops, les points de suspension j’aurais pas dû, ça porte malheur.
Voilà, on peut dire qu’à ce stade-là, je ne campe pas que pendant les vacances d’été.
Que mon goût pour le voyage a tendance à transformer ma vie entière en une éternelle virée (je n’ose dire une errance.)
Qu’au moins, je ne sombre pas dans une funeste sédentarité, c’est même le moins qu’on puisse dire.

Mes amis déménageurs, que je ne remercierai jamais assez car c’est à eux que je dois d’avoir encore quelques lombaires en état de fonctionnement (« état d’usage », selon le dernier état des lieux :), commencent à me faire comprendre que ça devient relou, certes gentiment, mais par des phrases blagueuses du type :
- Oh ben c’meuble-là, t’as qu’à le jeter. Il est pas beau t’façon.
- J’en ai ras le cul de la voir cette machine à laver !
- Tes cartons t’es ptet pas obligé de les défaire. T’as qu’à les laisser dans un coin jusqu’au prochain déménagement, l’année prochaine.
Je les comprends ô combien. Pour moi-même c’est déjà la corvée, alors pour les autres…


Cadavres de cartons pour lesquels ça a été le déménagement de trop.
Cette photo est un hommage à leur mémoire. Puissent-ils être recyclés en paix.


Camper à la maison

Ce type de comportement de manouche amène à un certain nombre de biais. Certes, après un premier départ brutal en laissant tout derrière soi, on commence par une vulgaire paillasse par terre, puis on récupère des trucs à droite à gauche. Mais surtout pas d’achats « définitifs », genre meubles trop grands, trop lourds, trop difficiles à monter/démonter. On sait jamais. Quant au massif, même pas dans les songes d’une nuit d’été.

Et puis les meubles en kit c’est vachement bien, mais généralement au bout de trois montages/démontages, ils commencent furieusement à ressembler à une pile de bois de chauffage.

A force d’être déménagés, tous ces trucs récupérés finissent par être rayés, saftés, usés jusqu’à la corde. Ils sont même pas vraiment à nous, alors on n’en a d’autant plus marre de les voir. Ils finissent par symboliser notre errance. On finit par les lourder dans le fourgon sans trop de délicatesse, en se disant que si ça passe tant mieux, et que si ça casse, euh… tant mieux aussi.

Et puis un jour on se réveille. Ou alors, c’est une femme qui nous réveille. Et on se rend compte qu’au bout de 4 ans d’allées et venues, on en est encore à se faire à bouffer sur une unique plaque électrique. Et que comme c’est pas bien pratique, ben en fait on se fait jamais vraiment à bouffer.
On se rend compte que chez soi, on se sent tellement pas chez soi qu’on y passe le moins de temps possible. Un dortoir, quoi.
Alors qu’être vraiment chez soi quelque part, même si c’est entre deux voyages, c’est primordial.


Quand je vous disais que mon nouvel appartement est extraordinaire !
Les taches de café y sont patriotiques. Encore un coup de Sarkozy ça !


Voyageur impénitent… quoi que…

J’ai ça dans le sang aussi, quelque part, sûrement. J’ai une inextinguible frénésie de parcourir le monde en long, en large et en travers, et à peine rentré, je pense déjà à où je vais partir la prochaine fois.

J’ai aussi choisi ce boulot pour ça. Beaucoup de temps libre pour tailler la route. Alors à force de bourlinguer, j’ai fini par connaître des gens à droite à gauche. Même si ce n’est pas la motivation première, comme je ne suis pas Crésus, cela me permet de ne pas me ruiner en hôtel. Et d’ailleurs ils/elles savent que je leur rends la pareille avec largesse s’ils se décident à venir par chez moi.

Ça en a énervé plus d’une, un mec qui a plein de vacances et qui tient pas en place, et qui parfois se fait héberger à droite à gauche. Ça en a énervé plus d’une, oui. Deux, à vrai dire.

Plus jamais ça !

Ça suffa comme ci, maintenant. Halte au sketch.
Sauf incendie, raz-de-marée ou inondation, je ne bouge plus d’ici. Finis les déménagements. Non non, je n’ai pas dit ça les fois précédentes. De tous ces déménagements en pagaille, celui-ci fut sans doute le pire, celui de trop. Le meilleur donc, celui qui vous donne la conviction qu’il est grand temps d’arrêter. Même si on ne sait jamais de quoi demain sera fait, il est possible de s’en faire une idée assez solide et fiable.

Maintenant, comme l’a fort bien analysé quelqu’un récemment, ça va sans doute vouloir dire un refus de prendre le moindre risque de s’engager dans quoi que ce soit qui pourrait rompre cette stabilité. Et c’est encore l’humain qui pourrait bien en pâtir.

Autrement dit, je m’apprête à sombrer, de guerre lasse, dans tout ce que j’ai toujours refusé jusqu’à présent, cet espèce de mal typiquement moderne qui pousse des millions de gens comme moi à se tenir compagnie à eux-mêmes pour n’embêter personne, et pour n’être embêtés par personne.

Je m’apprête à devenir un sale con d’individualiste pleinement assumé. Misère.[1]


Quand je vous disais que mon nouvel appartement est incroyable !
Sur la porte d'entrée, il y a ce qu'il convient d'appeler un porte-clef belge. Le principe en est simple : finies les clefs lourdes et encombrantes que vous cherchez partout dans vos poches et qui sont toujours dans la poche visitée en dernier, grâce au porte-clefs belge, vous pouvez laisser vos clefs sur votre porte après l'avoir bien fermée, et ainsi vous êtes sûr de les retrouver en rentrant, et surtout de ne pas les perdre !
Autre avantage, quand vlà les flics, ils peuvent entrer chez vous sans défoncer la porte, ce qui est bien car les portes défoncées par les flics sont rarement remboursées par les assurances.


Copyrat draleuq 2007


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1. En fait, j'ai finalement déménagé deux fois depuis, et je compte bien redéménager bientôt :-) Que voulez-vous, chassez le naturel...

draleuq, 11h46 :: :: :: [1 haineuse invective]

2 Novembre 2011 ::

« Sinistrose - 1 : de l'art du déménagement »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un bien sinistre sujet de novembre qu'il vaut mieux éviter de lire et qui en comporte 7 :

Sinistrose 1 - Sinistrose 2 - Sinistrose 3 - Sinistrose 4 - Sinistrose 5 - Sinistrose 6 - Sinistrose 7


A l’instar de mon fraternel (ça doit être génétique), je hais novembre, ce mois de merde, pluvieux, frileux et venteux, où les fêtes des morts au combat succèdent aux fêtes des morts naturelles.

De plus, c’est la crise. Non, ce petit mot sage et monotone est inconvenant. C’est LA CRISE. Vous m’entendez ? LA CRRRRRRRIIIIIISE ! (se drape dans une soutane noire ornée d’un crucifix à l’envers, se maquille à la gothique en se dressant les cheveux sur la tête - enfin, en ne se peignant pas le matin, quoi – écarquille les yeux et lève haut vers le ciel un doigt imprécateur). Qui peut encore l’ignorer ? Et si c’est à ce point la crise, pour nous tous, oui, ah ah, et pour vous, pauvres fous, et pour vous aussi, ronds de cuir, oui, pour vous, RONDS DE CUIR (se laisse pousser les cheveux jusqu’au cul, met son cuir à franges et saute dans ses cuissardes dernière tendance, pointe un doigt accusateur et manucuré vers la caméra en pleurant à chaudes larmes devant l’audimat médusé mort de rire) , alors il ne faut pas s’étonner que les blogs aussi soient en crise !


Eh oui, souvenez-vous : la récession a déjà commencé depuis 1990. Mon Dieu que le temps passe vite.


Alors quelle excellente occasion donc que ce 2 novembre, Jour des Morts je le rappelle, au ciel gris comme une pierre tombale, pour lancer une nouvelle réédition en série, que nous appellerons "sinistrose".

Quoi ? Vous êtes déçus ? Vous vouliez du neuf ?
M'enfin, je viens de vous le dire : nous sommes en NOVEMBRE. Et en novembre, on déprime. Et quand on déprime, rien de nouveau.




Nous ne devons pas tenter de sauver le monde, mais de subsister : c'est la seule véritable aventure qui s'offre encore à nous, en cette heure tardive de l'histoire.

F. Dürrenmatt ("Le soupçon")

T3 duplex avec vue sur mer

Ça fait rêver, non ?

Résidence au nom ronflant, interphone, garage souterrain avec le bip et la porte automatique qui vont bien, couloirs feutrés à la moquette hôtelière, locataires huppés roulant en caisses rutilantes, autant de choses nouvelles pour moi.
Certains se sentiront fondés à dire que je me la pète, et même que j’ai ressuscité dans la peau d’un bobo. Que voulez-vous, on se console comme on peut. On essaie de trouver dans un cadre de vie confortable le sourire qu’on n’a pas dans le cœur. On essaie probablement de repousser l’impression d’échec en se réfugiant dans un matérialisme peu glorieux.

Pour être parfaitement honnête, ceci n’est pas sans m’évoquer certains souvenirs mêlés d’une bonne dose d’auto dérision.
Il y a quelques années, lorsque j’ai jeté l’éponge, après deux vaines années de tentatives de conciliations avec une certaine Samira déjà évoquée précédemment, celle-ci m’a fait part de sa ferme intention de rester désormais toute seule (là-dessus bien entendu, je ne suis pas dupe), mais surtout de trouver refuge et réconfort dans le matérialisme, en s’achetant un appartement, voire une maison, et de somptueux cabriolets.

Bien sûr, je doute d’avoir un jour à en arriver là. Déjà, n’étant pas médecin, je n’en aurai pas les moyens. Et puis la bougresse avait au moins dix longueurs d’avance en matière de goûts de luxe. Issue d’une famille nombreuse d’immigrants ghettoïsés, on sentait qu’elle avait une revanche à prendre.
Mais tout de même, on ne peut s’empêcher de tirer un certain parallèle.

Alors, est-ce que devenir bobo est suffisant pour soigner ses bobos ? Rien n’est moins sûr.

Brassage social

Il y a quelques années, lorsque j’ai dû quitter mon logement de fonction, le gars de la mairie m’a dit, alors que je ne songeais pas particulièrement à demander un logement HLM : « vous n’êtes pas prioritaire pour un logement HLM, sauf si vous demandez les ZUP, en vertu des lois sur le brassage social ».

Ça m’en avait bouché un coin, je dois le dire, qu’il existe des LOIS sur le brassage social. Je lui avais dit ce que j’en pensais, c'est-à-dire que le brassage social moi j’étais pour, à condition qu’il soit dans les deux sens et qu’on envoie aussi des familles défavorisées dans le centre ville à côté des prolos bien pensants qui se liquéfient à la seule idée de voisiner avec des arabes ou des chômeurs. Alors j’avais refusé, poliment.

Si j’avais eu le cœur et l’âme de Mère Thérésa, après cette nouvelle déconvenue sentimentale, j’aurais prononcé mes vœux, ou pris la croix, et j’aurais demandé à intégrer un T3 au huitième étage de la tour F de la cité Truc, là où on brûle les bagnoles et les caves faute de barbecue, là où y’a écrit « nique ta mère » dans l’escalier, là où l’ascenseur sent le pipi, là où les flics deviennent subitement durs d’oreille quand tu leur téléphones.
Je me serais pleinement consacré à cette mission de salut public, j’aurais fait grand frère, médiateur, la pluie et le beau temps, j’aurais fondé un club de jeunes pour prévenir la délinquance et des groupes de parole pour permettre à des voisins de 38 nationalités différentes de discuter et de se comprendre.
Assurément, ç’aurait été une expérience fantastique, enthousiasmante, j’en serais sorti grandi.

Pourtant, j’ai préféré venir me réfugier entre un jogger aux Ray Ban qui roule en Land Rover, un couple de viocs en tenue de golfeurs et une dindasse tortillant du cul dont on peut suivre à la trace les effluves de Coco Chanel plusieurs heures après son passage.

J’ai préféré laisser le tiers de mon salaire dans le loyer.

Je suis un lâche.

Là où Renaud commençait sa carrière de chansonnier en écrivant « oh putain c’qu’il est blême mon HLM », je devrai probablement me contenter d’un « oh putain c’qu’elle est rance, ma résidence ».

En plein dans le panneau-rama

Quand j’ai pu contempler, lors de la visite initiale, ce qui s’offrait à moi vu du balcon, je n’ai pas pu réprimer un sifflement d’admiration, tout en précisant toutefois à l’agent immobilier que ce serait beaucoup mieux si on démolissait les grands bâtiments blancs de part et d’autre.

- Oui, et l’arbre aussi, il faudrait l’abattre, il gêne, précise-t-il.

A ces mots, je lui jetai un regard au moins aussi hautain que dans une pub pour les rillettes Bordeau-Chesnel.

Je ne me suis quand même pas fait prier, tant ce panorama me semblait symboliser ma vie à merveille : toujours la grande bleue dans ma ligne de mire, laissant entrevoir un coin de son étendue infinie à mon œil envieux, mais toujours des trucs moches et artificiels pour m’empêcher de l’atteindre.



Copyrat draleuq 2007

draleuq, 17h42 :: :: :: [3 sarcasmes grinçants]