Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
Dans tes
rêves
Etrangement, l'envie escalade silencieusement la religion, tant et si bien que la vie s'échappe, se précipitant vers le bonheur des sens
Ricane ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

30 Août 2011 ::

« Casting »

:: Les dérapages du rat




J'adresse mes sincères et plus plates excuses aux auteurs suivants auxquels j'avoue humblement avoir une manière très particulière de vanter les mérites de leurs oeuvres :
- Ptiluc, l'inimitable auteur de "Faces de Rats", "Rat's" et surtout "Pacush blues". Si ses rats sont tous des losers, ils n'en sont pas moins terriblement drôles, affreusement attachants, et atrocement humains.
- Art Spiegelman, l'auteur de "Maus", inoubliable évocation de la Shoah à base de chats et de souris. Et c'est évidemment tout sauf du révisionnisme.

draleuq, 01h39 :: :: :: [4 sarcasmes grinçants]

26 Août 2011 ::

« France profonde - 6 : les babs de Lozère »

:: Baratin



C'est une maison bleue
Adossée à la colline
On y vient à pied
On ne frappe pas
Ceux qui vivent là ont jeté la clé
On se retrouve ensemble
Après des années de route
Et on vient s'asseoir
Autour du repas (...)
Nageant dans le brouillard
Enlacés roulant dans l'herbe
On écoutera Tom à la guitare
Phil à la kena jusqu'à la nuit noire (...)
C'est une maison bleue
Accrochée à ma mémoire (...)
Peuplée de cheveux longs
De grands lits et de musique (…)

Maxime Le Forestier (San Francisco)


La Lozère... 15 habitants au km², soit à peu près autant qu'en Finlande, qui est le pays le moins dense de l'Union Européenne. 77 000 habitants dans l'ensemble du département, soit à peu près autant que dans la ville que j'habite à elle seule... 77 000 humains, pour 140 000 moutons. Ici, « plus de moutons que d'êtres humains » n'est pas qu'une expression, c'est une réalité.


- SALUT LA LOZERE, VOUS ETES EN FORME CE SOIR ?!!
- Bêêêêêêêêêêê !


En certains endroits, ce sont des étendues à perte de vue de montagnes, de forêts, de cailloux, pas âme qui vive, un lieu hors du temps. Les maisons elles-mêmes, aux murs de blocs granitiques et aux toits de lauzes, semblent arrachées à la montagne autant qu'elles s'y confondent.
Pour autant, il y demeure quelques lieux où l'on y croise encore ces êtres étranges que l'on appelle homo sapiens. Et là, je dois le dire, il y a une curiosité sociologique frappante qui fait que la Lozère diffère des autres lieux de perdition où je me suis déjà précédemment égaré avec délices, tels que la Creuse, la Corrèze, l'Aveyron, le Cantal, ou l'Indre...
Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps, cette curiosité, ce sont... les babs.
Oui, vous savez, les babs, les babas, les babacool, les hippies, les rastas, les peace and love, les flower power, les beatniks, les « faites l'amour pas la guerre », les fumeurs de ganja...
Que nous en dit le Guide du Routard ?

C'était l'époque où l'on criait : « Gardarem lou Larzac » sur le causse menacé par l'implantation d'un camp militaire. Les premiers routards partaient pour Katmandou chercher le nirvana. D'autres, plus sédentaires, montaient dans les Cévennes élever des chèvres, faire du yoga, lire Lanza del vasto, Marcuse ou Rousseau. Partisans d'une vie plus simple, animés d'un idéal mi-californien, mi-chinois, ces rebelles pacifiques fondèrent des communautés dans les hameaux les plus reculés des Cévennes. Les paysans restaient sceptiques, ricanant dès qu'ils parlaient de ces « zippies » décidés à vivre de la terre. Une terre ingrate dont ils avaient découragé leurs propres enfants, les poussant vers le monde meilleur de la grande ville. Pour beaucoup, l'aventure ne dura qu'une brève saison. Quelques irréductibles sont restés. Puis sont arrivés les « néo-Cévenols ». Plus discrets, mieux intégrés dans le tissu économique du pays : animateurs, restaurateurs, hôteliers, agriculteurs, fonctionnaires, commerçants...


Voilà donc qui donne corps à la célèbre expression (célèbre sans trop qu'on sache pourquoi, en tous cas jusqu'ici...) : « Puisque c'est ça, je m'en vais élever des chèvres dans le Larzac. »
Cet endroit a beau avoir la plus faible densité humaine de l'hexagone, en ce qui me concerne je n'avais jamais vu une telle concentration à l'hectare de dreadlocks, de cheveux et barbes longs, gras et crasseux, plus ou moins tenus avec des nœuds, des élastiques ou tout moyen du bord, de bonnets de rastas, de frocs qu'on dirait qu'on a chié dedans, de Clarks et de jupons qui traînent par terre, de pulls bariolés à rayures horizontales (très importantes, les rayures horizontales !)...

Trois générations de babs se côtoient ici pour le bonheur des petits et des grands.

Les babs de 20 ans viennent en grands groupes grégaires, sacs au dos, en pèlerinage sur les traces de leurs illustres prédécesseurs. Comme eux, ils carburent au joint et à la binouse.

Les babs de 40 ans reviennent en famille, avec émotion, sur les traces nostalgiques de leurs antiques pétards, binouses et partouzes... Ils sont devenus des babs respectables entre temps, et ils ont des gosses, parfois nombreux d'ailleurs.
J'ai cru calculer que la fécondité des babs était globalement supérieure à celle de la France qui, comme chacun sait, est pourtant la plus solide d'Europe.
On se gausse souvent des bourgeoises qui sont habillées en harmonie avec leur caniche ou leur chihuahua, mais je dois dire que le mimétisme entre les babs et leurs gosses est frappant : prenez le père avec ses cheveux longs, gras et crasseux, un ample pantacourt, des tongues et une sorte de pull multicolore en importation directe de la Cordillère des Andes (laine de lama, bio équitable évidemment, avec la vraie odeur du lama dedans)... Invariablement, les deux ou trois rejetons auront les cheveux gras et filasses leur tombant sur les épaules et leur cachant la moitié des yeux, un superbe pantacourt et un non moins superbe pull tricoté dans la même laine que papa, avec 3 tailles de moins, mais pas plus car le bab est souvent petit et grêle... Sans doute à force de bouffer macrobio.
Ah ! J'allais oublier : tous ces magnifiques pulls ont bien évidemment des rayures horizontales. Essentielles, les rayures horizontales.
Naturellement, l'enfant de babs jouit d'une grande liberté d'action. Quelqu'un qui ferait du mauvais esprit dirait que ses parents sont laxistes, et ce serait une gravissime erreur car l'enfant bab ne fait là qu'exercer sa faculté à découvrir son environnement par le biais de l'expérientiel[1]. Ceci explique aussi pourquoi le bab a beaucoup d'enfants : il n'a pas à gaspiller sa précieuse énergie en intervenant trop activement dans l'éducation de ceux-ci.


La bab-attitude, qui s'attache beaucoup au lien intergénérationnel, transparaît jusque dans les panneaux indicateurs. Le bab se veut autosuffisant et s'est détaché depuis longtemps de contingences matérielles telles que la Direction Départementale de l'Equipement (trois employés dans toute la Lozère, dont un en pré-retraite, un en congé parental et un en arrêt maladie).


Il y a aussi les babs de 40 ans qui n'ont pas, eux, fondé de famille, non pas parce qu'ils étaient trop rebelles, mais peut-être tout simplement parce qu'ils étaient trop laids, trop cons, ou décidément trop sales, même pour une bab. Ceux-là se retrouvent entre potes (ou peut-être ont-ils laissé la famille à la caravane maison, tels des musulmans pour le grand pèlerinage à La Mecque) et sont généralement fortement imbibés de bière et de marijuana. Certains d'entre eux vont même jusqu'à te tomber littéralement dessus dans leurs titubations éthyliques et narcotiques, alors qu'ils dansent bras dessus bras dessous au son d'une fanfare moldave (c'est très tendance cette année). Ils ne s'excuseront pas, tu vois, pas besoin, car le simple fait de s'excuser supposerait probablement qu'il y a offense. Or, l'offense n'existe pas chez les babs, ils sont résolument cooooool, tu vois. C'est des mecs, ils vont au bout de leurs idées, tu vois. C'est beau.
C'est parmi ces babs quadras irréductibles que l'on trouvera les looks les plus extrêmes, de la casquette de chantier avec jean's de clodo jusqu'aux cheveux montés en palmier dessus mais rasés sur les côtés, en passant par les dreadlocks visiblement entretenus à l'huile de vidange, avec toute une faune vivant à l'intérieur. Beaucoup d'entre eux ne boivent et ne fument visiblement pas que 4 heures par jour pour marquer leur appartenance, mais aussi les 12 heures qui restent pour l'oublier.

Et puis il y a les babs de 60 ans. Ceux qui ont survécu à cette décrépitude. Ils compensent souvent leur calvitie par des mèches et des barbes longues, grisonnantes et généreuses, et n'hésitent pas à se tresser ou à se nouer la barbe. Beaucoup d'entre eux se sont visiblement installés ici de longue date, et on les trouve notamment sur les marchés à vendre du miel ou du fromage de chèvre. Ce sont aussi des organisateurs très actifs de fêtes de babs, où leurs remorques pourries traînées par un Combi Volkswagen orange font merveille.

A noter que dans les fêtes de babs, on ne paie pas les consommations en euros, mais en grenouilles. Si si, monsieur. Des vrais rebelles, ces gars-là, résolument contre la société de consommation capitalo-fasciste. Ils vont au bout de leurs idées. Alors avant d'aller acheter ta binouse ou ta saucisse-frites, il faut aller au stand d'échange pour troquer tes euros contre des grenouilles. 1 € = 1 grenouille. Des rebelles, j'te dis !

D'aucuns me trouveront cruel et sans cœur avec ces braves babs après tout bien inoffensifs, et je leur dirai : « heureusement, encore, qu'ils sont inoffensifs, sinon c'est pas la peine de prôner la paix et l'amour universels ! »
Toutefois, au-delà de ces moqueries assez gratuites, mais jouissives et parfaitement assumées, je veux bien confesser une chose : je me sens certainement beaucoup plus à l'aise au milieu d'un parterre de babs que je ne me sentirais à l'aise au milieu d'une réunion de skinheads.


Ah ! Ah ! Homo sapiens, petit parasite, viens donc essayer de t'installer là, si tu l'oses !


_________________________________
1. Putain je viens d'avoir l'illumination : en fait, Philippe Meirieu est un bab !

draleuq, 09h14 :: :: :: [7 élucubrations]

24 Août 2011 ::

« France profonde - 5 : la minute poétique »

:: Baratin



La termitière future m'épouvante. Et je hais leur vertu de robots. Moi, j'étais fait pour être jardinier.

Antoine de Saint-Exupéry (lettre testament à Pierre Dalloz)


Je ne vais donc pas, cette fois, me moquer de la Creuse comme je me suis moqué par le passé de l’Indre, de la Corrèze ou du Cantal, même pas au deuxième ou au troisième degré. Ça deviendrait lassant. Je me contenterai de publier quelques photos et notes éparses de mon carnet de voyage, pas nécessairement liées entre elles.
La seule question à laquelle ce brillant exposé tentera de répondre sera : chiche ou pas chiche d'aller vivre là-bas ?[1]

?


J’aime cette espèce de retour à la nature, de temps à autre. Quelques jours suffisent, car après le mal de dos et les insomnies me rappellent que je n’ai plus 20 ans.
Mais ce calme, cette paix, ce retour à des moyens ancestraux et à un confort précaire me ressourcent et me permettent à la fois d’apprécier les choses simples, et, à mon retour à la « civilisation », d’apprécier également d’autant mieux le confort.



Un colossal tilleul de 350 ans d'âge. Pensez-vous voir un truc pareil un jour dans une ville ? En face de chez moi, il y a un platane de 100 ans : eh bien quand le projet de lotissement a été rendu public, ils devaient le dégager. Il a fallu qu'un collectif de riverains se mobilise pour lui sauver l'écorce.


Il n’y a pas forcément besoin pour cela de grimper très haut, ni même de se fatiguer beaucoup. Le simple fait de faire cuire sa tambouille dans un camping gaz, de se coucher avec le soleil, d’entendre le bruissement du vent dans les arbres, le hululement des chouettes, la course d’animaux anonymes dans les taillis, de se lever à la chaleur du soleil suffit amplement.
Ecouter cette valse nocturne, avec peut-être en toile de fond le bruit d’un ruisseau qui coule dans son lit de rocaille, c’est fantastique…



En cinq jours et sans m'éloigner des sentiers battus, j'ai vu plus d'animaux que je n'en vois en plusieurs années dans mes conditions de vie normale. Et ils n'ont guère plus peur de moi que je n'ai peur d'eux. Cette grenouille, posée sur un rocher près d'un pont romain, n'était pas assez habituée à mes congénères pour voir en moi un quelconque danger.


Ici sur les routes, il n’y a personne. En tout cas, par rapport à chez nous, pas grand monde. On peut faire des kilomètres en voiture sans voir de maison, les villages sont presque vides et les rares gens qu’on y voit sont plutôt affables et sympathiques.
Il n’y a vraiment que dans ces départements dits « semi désertifiés » que je trouve le dépaysement nécessaire.
Il n’y a peut-être pas énormément d’animation, mais je m’en fous. Je m’éloigne trop souvent de la nature, peut-être comme tous les hommes, et le fait de m’en rapprocher à nouveau quelques jours vaut toutes les cures de repos.


S’il n’est pas de communion entre les hommes et vous, essayez d’être près des choses : elles ne vous abandonneront pas. Il y a encore des nuits, il y a encore des vents qui agitent les arbres et courent sur les pays. Dans le monde des choses et dans celui des bêtes, tout est plein d’événements auxquels vous pouvez prendre part.

Rainer Maria Rilke ("Lettres à un jeune poète")



Même chose pour cet insecte. Avec mon petit appareil photo misérable, j'ai dû m'approcher à 10 cm de lui pour lui tirer le portrait, ce qui ne lui a fait ni chaud ni froid.


Quand je perche dans le marais, je ressens un peu ce que je ressens quand j’escalade un pierrier dans le Val Louron : je donne à la nature un peu de sueur et d’huile de coude, en signe de respect, presque en offrande. Quand un ragondin traverse la Grande Curée devant moi ou quand un héron bihoreau s’envole en me voyant arriver, je ressens un peu la même chose que quand la marmotte désignée pour le guet prévient ses congénères de mon arrivée par un sifflement caractéristique : ce n’est plus l’animal qui est l’intrus, c’est moi.


Quant à ce serpent, le prenant pour un bout de bois, j'ai bien failli lui marcher dessus, ce qui m'aurait causé quelques problèmes car d'après moi il s'agissait d'une vipère, même si je n'en suis pas certain.


Cette immensité rend modeste, mais paradoxalement elle grandit. Je tombe assez facilement en fascination esthétique, voire en pâmoison devant la nature et ce qu’elle peut réserver à nos yeux.
Une falaise, une grotte, des concrétions, des gorges, une cascade, un coucher de soleil, un arbre majestueux peut me suffire… Je peux aussi éprouver la même chose devant l’œuvre de l’homme, et si c’est l’œuvre de nos aïeux, l’impression n’en est qu’amplifiée : un aqueduc, une église romane, une tour de guet, une cathédrale, un barrage, un dolmen, un tumulus… Parfois, je peux tout aussi bien être horrifié par la monstruosité d’une de ces œuvres et consterné par les transformations subies par la nature en conséquence.
Mais parfois, je suis frappé de plein fouet par la beauté du mariage des deux : l’œuvre de l’homme, colossale, sculpturale, dantesque, qui se confond presque dans la nature, qui l’enrichit même, et qui finalement est reconquise par la nature. C’est sans doute pour cela que j’adore les ruines.



L'orage de montagne, ses éclairs qui zèbrent le ciel gris rouge, ses explosions de tonnerre, ses trombes d'eau et de grêlons qui claquent sur la tôle et saccagent les cultures, réduisant à néant votre champ de vision et vous obligeant à vous garer sur le bas côté et à attendre que ça se passe.


L’hypersensibilité n’est pas donnée à tout le monde. Elle n’est pas pour autant de la sensiblerie, chose… sensiblement différente. Etre submergé par l’émotion, c’est être au bord des larmes sans pour autant avoir à les retenir, c’est aussi devoir aller chercher de l’air tout au fond de ses poumons pour respirer, comme au bord des sanglots qui pourtant ne viendraient pas.


Conséquence directe de l'orage, quelques vaches et leurs veaux effrayés se sont échappés, détalant sans se presser sur l'asphalte qui dégage des fumerolles de condensation.


Je crois que je ne suis pas trop fait pour le monde des hommes. Je suis un peu trop bucolique, un peu trop fleur bleue, je n’arrive pas à m’adapter à la hargne des uns, aux déchirements des autres. Je suis fait pour l’amour plus que pour la haine, pour le pardon plus que pour la rancune, pour la tempérance plus que pour la surenchère, pour la concorde plus que pour le conflit, pour la confiance plus que pour la défiance, pour la gentillesse plus que pour la méchanceté.


Texte d'une vieille enseigne oubliée à Aubusson : "Cercueils en plomb et zinc, appareils sanitaires pour tout à l’égout, réservoirs de chasse, fourneaux et cuisinières, fournitures et installation de salles de bain." Symbole d'une époque révolue, où la même boîte pouvait fabriquer des cercueils et des salles de bains. Où la vie côtoyait la mort, sans doute plus sereinement qu'aujourd'hui.



C'est maintenant le moment de répondre à la question existentielle du jour : chiche ou pas chiche d'aller vivre là-bas ?
Je ne vous fais pas languir plus longtemps :

!


Comme disait Gainsbourg :
"Il faut croire que c'est la société
qui m'a définitivement abîmé
"

Copyrat draleuq 2008


_________________________________
1. Pour accompagner la lecture de ce texte, je vous suggère l'écoute des 4 saisons de Vivaldi, ou de la 6ème symphonie "pastorale" de Beethoven, voire, si vous êtes d'humeur particulièrement joyeuse, d'un bon concerto de Chopin bien larmoyant. Un lexomil ou un xanax sera également le bienvenu.

draleuq, 11h22 :: :: :: [7 soupirs de satisfaction]

22 Août 2011 ::

« France profonde - 4 : tais-toi et Creuse ! »

:: Baratin



Il faudrait construire les villes à la campagne, l'air y est plus sain.

(Généralement attribué à Alphonse Allais, mais en réalité de
Jean Louis Auguste Commerson in "Pensées d'un emballeur", 1851.)


Les mois de novembre et décembre juillet et août sont passés si vite, et voilà déjà la rentrée, son lot de nouvelles têtes, d’anciennes têtes qu’on est content de revoir, d’anciennes têtes qu’on aurait préféré ne pas revoir, et même d’ancienne tête qu’on est content de ne pas revoir !

Lorsque je jette un regard rétrospectif sur ces deux derniers mois, je suis partagé entre l’impression d’avoir fait plein de choses et l’impression de ne rien avoir fait du tout… Mais cette dernière est, à n’en pas douter, totalement abusive, et il suffit pour s’en convaincre d’énumérer quelques unes de mes activités hautement productives :

- En faisant des allers retours pieds nus dans le jardin pour ranger dans la cabane du fond les morceaux de planche que je venais de casser à coups de hache, j’ai marché sur un bout de bois dont ressortaient une vis et un clou d’un centimètre de long (rouillés bien entendu, sinon c’est pas drôle), et je me suis tout enfoncé dans le talon, avant d’extraire ça d’un coup sec, comme dans les films. J’ai marché sur la pointe du pied pendant quelques jours, mais je m’en suis très bien tiré. Et puis, ça nous a permis de nous souvenir qu’il était l’heure d’aller au cinéma, sans quoi nous aurions raté la séance.

- En ramassant des pleines brassées de bambous, je m’en suis foutu un dans l’œil.

On me dit que je suis un bricoleur du dimanche, mais c’est même pas vrai, c’était en semaine. Et puis j’ai peint les fers forgés du puits alors que j’étais debout en équilibre au dessus du trou, et je ne suis même pas tombé dedans. C’est le sécateur, que j’ai fait tomber dedans. Et c’était pas un dimanche non plus. Vous croyez que ça porte bonheur ?

Mais ce n’est pas tout : à la mi-août, j’ai voulu reprendre un peu le sport, jugeant mes vacances un peu trop sédentaires, et je suis allé à la piste d’athlétisme. Pendant les trois jours qui ont suivi, je marchais comme un robot et je devais descendre les escaliers en marche arrière.

On me dit que c’est parce que j’ai repris trop fort et que je suis vraiment un sportif du dimanche, mais c’est même pas vrai, ça devait être un jeudi, la veille du jour où un membre de la maisonnée s'est fait une fracture en plein week-end de 15 août, et qu’on a dû le ramener la nuit à la maison après qu’ils l’aient shooté à la morphine parce qu’ils n’avaient même pas un lit de libre pour lui. Et quand ils l’ont opéré le lendemain, ils se sont rendus compte que c’était en fait une double fracture. Parce que c’est bien connu : deux, c’est mieux qu’une.

Enfin, je ne me plains pas. A côté de ça, il y en a certaines qui font passer leur beau-frère sous les roues d’un tracteur agricole dans des rochers en bord de mer.

Je suis parti, aussi.

Pas en Lozère comme je l’avais annoncé l’an dernier après mon retour de Corrèze-Cantal, mais en Creuse. Ça faisait quand même 250 km de moins, ce qui est appréciable quand on ne dispose que de cinq jours et que le pétrole flambe.
Ce ne sont pas les touristes qui m’ont poussé au départ cette fois, non. A une température constante de 13 degrés le matin et 20 degrés l’après-midi pendant presque tout l’été, ils ont préféré aller lézarder plus au sud. J’avoue être moi-même tiraillé entre l’envie de soleil et l’envie d’être peinard, l’un allant difficilement avec l’autre.

Cela dit, le manque de soleil, pour pénible qu’il soit, est loin d’être le seul responsable dans la désaffection du tourisme. Le pouvoir d’achat, dont le gouvernement –et l’INSEE, son suppôt- a longtemps dit qu’il ne baissait que dans nos fantasmes, s’effrite, et même s’effondre chez le grand prolétaire ou le petit fonctionnaire. Les riches ne sont pas moins nombreux, mais les pauvres le sont plus, et nous assistons, impuissants, à la disparition programmée de la « classe moyenne », qui, pour le moment, se contente de rester chez elle au lieu d’aller en vacances, parce que c’est ça ou bouffer des patates tout l’hiver.
Et comme chacun sait, l’hiver est déjà commencé…

Comme l’avenir ne paraît décidément pas rose, il faut essayer de se recentrer sur le présent. Comme je le pouvais encore, cette année, je suis parti, même pour cinq jours. Pourquoi en Creuse ? Pour la même raison que le Cantal l’an dernier, et on peut le résumer à cette petite conversation que j’ai eu avec quelqu’un ce week-end :

- T’es allé en Creuse ? Mais pourquoi en Creuse ? Y’a rien là-bas !
- Oui. Justement, c’est pour ça que j’y suis allé.

En disant « rien », bien entendu, j’ai employé le langage de l’homo sapiens familiaris. Car dans l’esprit de la plupart des gens, « rien » veut dire en vérité « personne », ou plutôt « peu de gens », et même parfois « pas de discothèques, d’hypermarchés et de magasins de piercing ».
Car en effet, dans ma terminologie à moi, je ne dirai pas qu’il n’y a « rien » en Creuse, en Corrèze, dans le Cantal, dans l’Aveyron ou dans la Lozère. S’il n’y avait vraiment « rien », je n’irais pas. Je souffre d’angoisse d’anéantissement comme tout un chacun ou presque, et le « rien » ne m’attire pas plus que la moyenne. Simplement, ce qui n’est « rien » pour beaucoup peut parfois être quelque chose de bien tangible pour certains.

Mes destinations s’établissent en fonction d’un critère, avant tout : la densité. Je me suis piqué à la curiosité de regarder la densité comparative des 100 départements français : premier Paris avec 20 605 hab/km². Les premiers départements de province sont le Rhône, 8ème avec 507 hab/km², et ch’Nord, 9ème avec 446 hab/km². Le mien est 22ème avec 175 hab/km². La Corrèze est 83ème avec 40 hab/km², l’Indre 85ème avec 34 hab/km², l’Aveyron 90ème avec 31 hab/km², le Cantal 95ème avec 26 hab/km², la Creuse 97ème avec 22 hab/km², la Lozère 99ème avec 15 hab/km². Enfin, c’est la Guyane qui ferme la marche avec 2 hab/km².

Plus intéressant encore, si je m’amuse à comparer ces données à celles de l’Atlas que j’avais quand j’étais enfant, que j’ai gardé précieusement, je constate que la densité de la Creuse est passée de 23 à 22, que celle de la Lozère est passée de 14 à 15, et que celle de mon département est passée de 137 à 175 !!!

Encore et toujours plus intéressant, la densité des pays européens « où il fait bon vivre », que l’on cite sans arrêt en exemple dans quasiment tous les domaines : la Suède (18 hab/km²) et la Finlande (14 hab/km², comme la Lozère). Et pourtant, s’il fait bon vivre dans ces pays, ce n’est pas par excès de soleil ou de chaleur !

Je ne prétends d’ailleurs rien inventer, le mythe de l’homme qui quitte « la civilisation » pour « retourner à la nature » et ses grands espaces existe depuis des lustres. Qui n’a pas entendu au moins une fois dans sa vie quelqu’un lui dire :
- Si ça continue, je vais élever des chèvres dans le Larzac !

Et vous savez où c’est le Larzac, hein, vous le savez ?

En Lozère, pardi !

Copyrat draleuq 2008

draleuq, 14h23 :: :: :: [0 pleurnicherie]

20 Août 2011 ::

« France profonde - 3 : périple dans nos vertes campagnes »

:: Baratin



Moi je vous parle de la vraie campagne, celle qui donne envie de se pendre

Franck Dubosc ("Pour toi public")


Après ce modeste carnet de voyage, abordons toute la série d’observations que j'ai faites durant ce séjour, et que je ne peux pas m’empêcher de vous faire partager, chers lecteurs, merci à vous deux (oui je sais, la dernière fois c’était trois, mais j’ai été tellement longtemps absent que j’ai au moins dû en perdre un dans la bagarre).

Pour mémoire, j’avais menacé d’aller dans la Corrèze ou le Cantal pour me soustraire au rush des estivants balnéaires, rush qui n’a finalement duré que quelques jours, avant que la côte atlantique ne sombre dans un mois de mars estival.

J’avais menacé d’aller dans la Corrèze ou le Cantal, et comme je ne fais pas les choses à moitié et que personne n’a cherché à me retenir, j’ai fait les deux.
Or, il faut savoir que ces départements, situés respectivement dans le Haut-Limousin et la Haute-Auvergne, appellation bouffie d’orgueil puisque précisément ils sont tout en bas du Limousin et de l’Auvergne (respectivement, toujours), ont pour particularité commune d’avoir une densité, en habitants/km², proche de leur numéro minéralogique, soit 19 et 15 (respectivement, encore une fois).

Braves paysans rustiques et durs au mal et au froid, les Corréziens et les Cantalous ont été envoyés en masse se faire buter dans les tranchées, du coup les Corréziennes et les Cantalouses (chais pas si ça se dit), pauvres veuves éplorées, sont descendues « à la ville » pour se remarier quand elles en ont eu marre de se taper la charrue toutes seules (non non, pas comme ça, quand même). S’en sont suivis la mécanisation de l’agriculture, devenue intensive, le marasme économique, l’enclavement, l’exode rural, la désertification… On connaît la suite, c’est dans tous les manuels de géographie.
Cinquante ans après, restent les vaches à viande, les vaches à lait, et les touristes. Oui je sais, c’est un pléonasme.

Or, même pour les touristes, c’est pas gagné. Car ces régions n’ont pas la mer l’été, et même pas vraiment la montagne l’hiver, pas assez en tous cas pour attirer skieurs et surfeurs des neiges. Ben oui, rappelez-vous, c’est pour ça que j’y suis allé, à l’origine.
Pour couronner le tout, dans le Cantal tout particulièrement, en plus il caille. Regardez la météo à toutes époques de l’année, il y a deux endroits de la carte où c’est mauve - bleu ciel, deux endroits qui rivalisent à qui aura la température la plus basse : le plateau de Langres et… Aurillac, dans le Cantal.

Dans ce contexte, inutile de vous dire que les Corréziens et Cantalous doivent déployer des trésors d’inventivité pour attirer les touristes vaches à lait. Petit guide des stratégies marketing de la France profonde…

Villages pittoresques

Pour commencer, il faut savoir que tous les villages de la France profonde sont « pittoresques ». Entendez par là authentiques, faits de pierre taillée, avec un toit de lauze volcanique ou d’ardoise venue tout droit des carrières corréziennes. Autrement dit, ils n’ont pas changé ou presque depuis des siècles, et pour cause, il ne s’y est rien passé, enfin je veux dire, rien de grave quoi. Ils n’ont pas été bombardés, incendiés volontairement, ou pris d’assaut par les agences immobilières, par les gentils messieurs portant une fleur de béton au revers de leur veston. Car déjà au moyen-âge, ces villages n’intéressaient personne, et ça n’a pas changé depuis. Pas d’intérêt stratégique, ni pour les généraux, ni pour les promoteurs.
Les villages de la France profonde sont tous pittoresques donc, sauf quand ils ont été brûlés par les nazis avec tous leurs habitants…
Hum, je retire ce que j’ai dit. Même là, ils deviennent pittoresques, d’une autre manière.

Villages étapes

Les plus pittoresques parmi les villages pittoresques, soit quand même une bonne moitié d’entre eux, soit plusieurs centaines je pense, deviennent aussi des « villages étapes ». On observe que les villages pittoresques situés près de l’autoroute ont une forte propension à devenir des « villages étapes ».
Qu’entendre par là ? Le message est clair : « on sait très bien que vous n’allez pas rester ici toutes vos vacances parce qu’au bout de trois jours vous vous ferez chier comme des rats morts, mais arrêtez-vous prendre une petite chambre d’hôtel pour deux nuits, un repas dans une taverne, une p’tite entrée de musée, allez siouplé… Non, vous voulez pas ? Une seule nuit alors ? Allez, on vous fait un prix d’ami… Toujours pas ? Même pas au camping ? C’est moins cher… Non, vraiment rien ? Allez par pitié, soyez sympa, faites un geste ! »

Appellations d’Origine Non Contrôlée

Une autre stratégie très répandue consiste à s’octroyer des titres honorifiques et/ou superlatifs, pouvant même aller jusqu’à « capitale de… » Comme il faut vivre avec son temps, l’adjectif « européen » est très en vogue. Bah ouais, « capitale française de… », c’est has been. « Capitale européenne de… », ça pète trop plus.

C’est ainsi qu’un village de quelques centaines d’habitants peut devenir « capitale européenne de la confiture », rien que ça, ou que vous pouvez vous rendre, dans les ruines d’un château isolé, à la « nuit européenne de la chauve-souris ».
Vous vous attendiez à quoi ? Il faut que ça reste crédible quand même : « capitale européenne de l’automobile », par exemple, ça l’aurait pas fait. « Nuit européenne de la musique techno » non plus.

On peut voir aussi, sur le fronton d’un village qui trouve que « pittoresque » ou « étape » ça fait un peu p’tit joueur, l’inscription suivante : « l’un des plus beaux villages de France ». « L’un des », un ensemble de trois articles indéfinis qui respire tout de même une certaine prudence, et qui attire du même coup une certaine suspicion.


Il y a quand même des labels qui font réfléchir.


La revanche de la France profonde

Il suffit d’aller dans un camping pour comprendre comment la France profonde a déjà commencé à prendre sa revanche, et la prendra de plus en plus dans les années à venir.
En arrivant dans ce lieu de perdition, mes filles de 6 et 9 ans sont devenues des attractions, car elles étaient les seules pensionnaires du lieu à avoir moins de 34 ans (j’étais le plus jeune après elles).
« Oh qu’elles sont mignonnes ces p’tites filles là » m’a dit la propriétaire du lieu.
« Oh qu’ça fait du bien de voir un peu des enfants » m’a dit une autre pensionnaire qui s’en allait vider son WC chimique dans le local prévu à cet effet.

Car ça saute aux yeux, dans ces « stations vertes de vacances », « villages étapes », « villages pittoresques » et autres, la moyenne d’âge dépasse allègrement les 60 ans.
Normal, c’est équipé pour les vieux : sentiers de randonnée et de cyclotourisme. Et pour les très vieux : calme et églises romanes du XIème siècle rehaussées d’un clocher gothique flamboyant et de stalles finement ciselées dans un style baroque polychrome.
Or, vous n’êtes pas sans savoir que la population française vieillit sensiblement, que le troisième âge, pardon, les « seniors », déjà un lobby avec lequel il faut compter, deviendra bientôt tout puissant dans l’hexagone.
Ce jour-là, mes amis, je vous le prédis, ce sera la désertification des plages, la fermeture des stations de ski, la disparition des locations de kite surf, de motoneiges, l’extinction des vendeurs de chouchous et des auberges à vin chaud. Ce jour-là, vous verrez, la France profonde aura sa revanche, AH AH AH !!!

En attendant, j’ai vu beaucoup trop d’homo sapiens encore. Je suis déçu. La Corrèze et le Cantal, c’est pas encore assez profond. L’année prochaine, je tente la Lozère. Ou le désert du Tadjikistan.


Le Cantal est aussi l'un des seuls lieux de France où vous trouverez encore des numéros de téléphone à deux chiffres, comme ici à Murat, chez ce rarissime vendeur de bières, limonades et eaux minérales au charbon.
N'est-ce pas fantastique ?


Copyrat draleuq 2007

draleuq, 17h29 :: :: :: [2 obscénités]

18 Août 2011 ::

« France profonde - 2 : fuir l'envahisseur »

:: Baratin



Sauve qui peut !

Quand vient l'été les familles amènent leurs enfants au bord de la mer dans l'espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids.

Alphonse Allais




Cette photo a été prise cet après-midi de mon balcon.
Nous sommes passés, en 24 heures, du mois d'octobre au mois de juillet.
La température est de 28 degrés celsius, le soleil au beau fixe.
Les effets ne se sont pas fait attendre.
Ils sont arrivés. Ils sont là.

Moralité : je me casse pour une semaine en Corrèze, dans le Cantal, je sais pas où, mais quelque part dans les verts pâturages du trou du cul de la France, loin de ces envahisseurs cramoisis en maillot de bain.
Le blog ne me suit pas là-bas, il ne reste pas ici non plus, il demeure dans l'éther numérique, loin de la surpopulation humanoïde.
Il relatera peut-être les tribulations de son auteur dans ces contrées désertifiées.
Après ses vacances.
Il y a droit aussi, zut alors.

Et bien sûr, vive la France !
N'oubliez pas votre petit drapeau tricolore à la fenêtre, ça fera plaisir à Ségo !


J’aime les bouchons estivaux

Plutôt la Corrèze que le Zambèze

Raymond Cartier (Paris-Match)


Le voyage a fort bien commencé, par des kilomètres de bouchon. En sens inverse bien entendu. Vous pensiez vraiment que je pourrais me retrouver dans un bouchon, moi ? Non, désolé, je n’aime que les croiser, sans effleurer le frein une seule fois, sans même rétrograder, avec un sourire narquois au coin des lèvres.
J’ai d’autant plus aimé ce bouchon que je savais que ces sympathiques automobilistes se rendaient exactement dans l’endroit d’où je venais et allaient s’ajouter aux autres, déjà alignés sur les plages. En quelque sorte, ce bouchon n’a fait que me conforter dans ma fuite éperdue.

Dans les jours qui ont suivi, lorsque j’ai appris que le double effet soleil-chaleur n’avait été qu’un pétard mouillé (et même très mouillé d’ailleurs) et qu’un simili mois d’octobre avait fait son retour illico avec force vent et pluie, privant les plagistes de plage, si ce n’est en pantalon et en k-way, j’ai eu une petite pensée pour eux alors que l’astre du jour me chauffait les épaules en même temps que ces bons vieux toits de lauze corréziens.
Supporter tous ces encombrements pour un temps à ne pas mettre un chien dehors, quand même, tous les vacanciers n’ont pas une vie facile !


« Plutôt la Corrèze que sans baise ! » disait donc Cartier. Ce panneau indicateur en forme d’avertissement, rencontré en cours de route, prouve à l’évidence que l’un n’empêche pas l’autre ! Qu'on se le dise donc, à partir de ce point, fini de rire !

Et un mythe s’effondra

Les indispensables pauses sur les aires d’autoroutes, sans lesquelles nos vacances estivales seraient bien mornotones (copyright pour le néologisme), permettent à la fois aux enfants de se dégourdir les jambes, et au conducteur que je suis de se détendre en observant la faune bigarrée qui s’y ébat dans cette ambiance si spéciale mêlée d’empressement et de douceur de vivre.

C’est à l’occasion de l’une de ces pauses que je fus frappé par un spectacle qui allait remettre en cause certains fondements de mes représentations mentales.
Je m’explique : sur cette aire, il y avait d’un côté une station service avec toutes commodités à l’intérieur (toilettes gratuites, table à langer, douche…) et de l’autre côté, une aire de repos avec tables de pique-nique ombragées, mais également toilettes gratuites et propres. Entre les deux, il y avait le parking, plus quelques poubelles protégées par des containers de béton.
En revenant de l’aire de repos vers le parking, j’assistai, médusé, au spectacle suivant : un monsieur d’une cinquantaine d’année, belge de son état comme en témoignait sa voiture garée juste à côté, était en train d’uriner avec entrain et sans nulle gêne sur un des containers poubelle sus cités, au su et au vu des passants assez nombreux, dont j’étais.
Loin de moi l’idée qu’un Français n’eût pas pu se comporter de la sorte. Mais là où le mythe s’effondre, c’est que j’avais vu passer sur internet, il y a de cela un moment déjà, une série « d’histoires françaises racontées par des belges », qui nous prennent pour des cons comme nous les prenons pour des cons (encore que les histoires belges sont un peu en voie de disparition au profit des histoires de blondes). Ces histoires étaient différentes des nôtres. Là où les « histoires belges » fustigeaient la soi disant stupidité de nos voisins du Nord, les « histoires françaises » s’attaquaient plutôt à notre arrogance et à notre manque d’hygiène.
Je me souviens notamment de : « Pourquoi les autoroutes françaises ne sont pas éclairées ? Parce que les Français se prennent pour des lumières » et de : « Pourquoi les Français disent aller aux toilettes au lieu d’aller à la toilette ? Parce que les Français sont tellement crades qu’il faut faire plusieurs toilettes avant d’en trouver une propre. »
Aussi, depuis ce temps-là, je croyais sincèrement que nos amis belges, eux, étaient capables de laisser des toilettes (pardon, une toilette), aussi propres qu’ils les/la trouvent.
Alors qu’en fait, si leurs toilettes sont si propres, c’est parce qu’ils pissent sur les poubelles.

Les trucs qui fâchent

Evidemment, même quand on prend toutes les précautions misanthropiques d’usage pour éviter le pire, les ressources de ce parasite d’humain sont toujours infinies pour réussir à t’emmerder quand même. Et si ça ne suffit pas, le monde animal s’en mêle aussi. Tout petit glossaire :

- Caravane : accessoire que certains normands mettent derrière leur bagnole pour venir se mettre devant toi juste au début d’une descente de plusieurs kilomètres bourrée de virages bien sinueux que tu aurais aimé descendre à 80 tel un Fangio des temps modernes, mais que tu vas devoir te taper à 40 en maudissant la Normandie.

- Enfants : êtres adorables et adorés (surtout quand ce sont les tiens) qui te posent des questions sans arrêt, auxquelles tu t’efforces de répondre parce que tu es un bon papa, qui se chamaillent, profitant ainsi copieusement de ta quasi impuissance à régler leurs petits conflits, qui n’arrêtent pas d’avoir faim, soif, envie de faire pipi, de te demander quand est-ce qu’on arrive, et qui bien entendu refusent obstinément de s’endormir, même lorsque tu as tout prévu pour leur assurer un maximum de confort, à une exception près : lorsque tu te trouves à moins d’une demi-heure de l’arrivée tant attendue. Là seulement, les enfants s’endormiront très profondément, épuisés par tant de questions et tant de chamailleries, à tel point que tu ne parviendras pas à les réveiller et que tu devras te taper toute l’installation seul.

- Insectes : animaux souvent assez répugnants, bien qu’utiles, qui aiment à venir se suicider en grand nombre sur ton pare-brise, avec des effets aussi dévastateurs pour leur enveloppe corporelle que pour un kamikaze bourré de dynamite. Heureusement pour ta voiture, les insectes sont plus petits et ignorent l’usage des explosifs. Il n’en demeure pas moins que ces suicides de masse peuvent considérablement diminuer la transparence de ton pare-brise. Surtout juste au moment où la pompe du lave vitre tombe en panne.





Copyrat draleuq 2007

draleuq, 08h20 :: :: :: [2 provocations]

16 Août 2011 ::

« France profonde - 1 : voir Châteauroux et mourir »

:: Elucubrations



Ça fait un bout de temps que je me dis : vindieu, ce qui manque sur ce blog, c'est un feuilleton d'été. Comme sur France Télélobotomisation.
Bien involontairement je dois le dire, j'en avais déjà écrit les premiers épisodes entre 2007 et 2008, qui étaient alors éparpillés sur feu mon blog, et puis là, cet été, au mois de juillet 2011, j'ai trouvé la chute en Lozère, alors je crois que le temps est venu de publier le feuilleton complet.
Nous appellerons ça "Apologie de la France profonde". Si vous ne voyez apparaître en titre que le diminutif "France profonde", sachez que ce n'est que pour préserver l'hypertension de mon mammifrère Le Lion, car les titres trop longs foutent sa mise en page en l'air, et, comme dirait Jean-Marie Bigard, c'est des coups à choper des furoncles au cul.
Bien entendu, il s'agit d'une apologie à ma manière, et comme j'ai de très mauvaises manières, beaucoup jugeront sans doute qu'on est souvent très loin de l'apologie, et que c'est même tout l'inverse. Mais moi, je vous dis que c'est une ôde vibrante à la France Profonde, alors il faut me croire, bordel !
Et d'ailleurs, ceux qui détestent la France profonde, ils ne vont pas en vacances dans l'Indre, l'Aveyron, le Cantal, la Creuse et la Lozère, ils vont dans le golfe du Morbihan, à St Jean de Monts, aux Sables d'Olonne ou à la Grande Motte !
Vous pensez que je pourrais être assez tordu pour aller dans les départements sus-cités rien que pour m'en moquer sur un blog ? Là, vous me surestimez.
Pas davantage que je n'irais en plein mois d'août dans le golfe du Morbihan, à St Jean de Monts, aux Sables d'Olonne ou à la Grande Motte pour en faire une analyse sociologique... La survie importe avant tout, et je n'ai pas une âme de reporter de guerre !

Comme vous le voyez, ce premier opus de notre feuilleton figure au chapitre "élucubrations", car il faut bien le dire, ça démarre assez fort dans le grand n'importe quoi.
Cela n'avait toutefois pas empêché certaines personnes fières de leur ascendance berrichonne et quelque peu hermétiques à la notion même de "second degré" de s'emporter avec véhémence en commentant cette interview lors de sa première publication en 2007. Plus grave encore, c'était la pauvre Castelroussine qui avait fait l'objet de l'opprobre, alors qu'elle s'efforce tout au long de l'entretien de défendre tant bien que mal sa terre d'accueil face à mes questions totalement délirantes, ce qui, je dois le dire, était une gageure.
Donc en guise d'avertissement, je dis ceci à tous les berrichons simples d'esprit qui seraient révoltés par les propos ci-dessous :
- J'en assume la totale responsabilité et je les revendique
- Je vous emmerde.
Et à tous les autres (berrichons ou non) : vive le Berry ! Et VIVE LA FRANCE PROFONDE !



Draleuq – Nous rencontrons aujourd’hui Castelroussine, jeune professeure de lettres en exil à Châteauroux. Rappelons, pour ceux qui ont laissé la géographie au placard avec les toiles d’araignée, que Châteauroux est la préfecture du département de l’Indre, dans la région Centre. Historiquement, tout ceci fait partie de la province du Berry, dont les habitants sont les Berrichons (on ne rigole pas, au fond de la classe !)
Alors Castelroussine, à la faveur de quel miracle, de quelle punition ou de quelle calamité es-tu arrivée en ce lieu reculé ? As-tu prononcé des vœux monastiques à la suite d’un drame amoureux ? As-tu été mandatée par le C.N.R.S. pour faire une thèse d’ethnologie ? Es-tu recherchée par la D.S.T. pour un délit contre la sûreté de l’état ?

Castelroussine - Eh bien, à la suite d’une foule de hasards/chances qui se sont succédés… C’est une longue histoire !
J’ai eu le CAPES de façon totalement imprévue, c’est-à-dire sans l’avoir préparé (je sais ce que vous vous dites : waw ! vachement balaise ! mais non, la réalité est un peu plus prosaïque : les postes offerts étaient très nombreux pour assez peu de candidats…) Ce qui fait que je n’ai pas eu l’honneur d’avoir les « points IUFM » attribués aux candidats ayant le concours après la préparation de l’IUFM (bon, on peut pas tout avoir !). J’ai donc été, dès l’année de stage, parachutée dans une autre académie que celle de Nantes dont je suis originaire. Sachant que cette académie était celle d’Orléans-Tours, j’ai dû émettre 5 vœux, et j’ai obtenu le dernier : l’Indre !!!
Après le stage vient la fameuse année redoutée par tant de professeurs : la première année en tant que titulaire, pour laquelle TOUT LE MONDE doit participer aux mutations, et là, 50 % des profs, comme tout le monde le sait, se retrouvent en banlieue parisienne… La fameuse banlieue parisienne, avec toutes les images négatives qui y sont attachées, celle dont les JT nous montrent régulièrement des profs tabassés, agressés par leurs élèves, celle qu’un certain voulut « passer au karcher »… Mais ayant fait mon stage dans l’Indre, et la région Centre étant relativement déficitaire en profs de français, j’ai échappé à Créteil/Versailles. Par ailleurs, l’Indre étant peu demandée, je n’ai eu aucun mal à y rester, toutefois en tant que remplaçante !
Voilà toute l’histoire…



D – Comment te sens-tu considérée par tes collègues d’origine Berrichonne ? Comme une super héroïne venue les sauver de leur marasme quotidien ? Comme une envahisseuse venue de l’espace ? Comme une étrangère à qui il vaut mieux éviter de parler ?

C - Euh, à vrai dire, en réfléchissant bien, je n’ai pas eu beaucoup de collègues berrichons… Beaucoup se sont retrouvés là un peu comme moi, par hasard, notamment en ayant évité la région parisienne mais en n’arrivant pas à rester dans leur académie d’origine (ce sont souvent les académies de Nantes, Bordeaux, Toulouse ou Poitiers) : l’académie d’Orléans-Tours est souvent une académie-transition, dans laquelle certains profs restent quelques années en attendant d’accumuler des points pour revenir dans leur pays natal ! Ceci dit, certains s’y sont plus et y sont restés quand même…


D – Toi qui es prof de français, as-tu l’impression d’enseigner une langue étrangère dans ton établissement ? Parle-t-on français à Châteauroux ? Sinon, quelle langue parle-t-on ? Si oui, peux-tu citer une expression typique de la région ?

C - Hé hé, non ce n’est pas à ce point-là ! Bon, comme beaucoup de « djeuns », ils font souvent trois fautes à chaque ligne, et ont tendance parfois à mélanger les copies de français avec MSN, mais ce n’est je pense pas propre au Berry… Sinon j’ai quelques élèves dont les parents ne parlent pas français mais ne parlent qu’arabe, et parfois j’ai entendu ces élèves parler un peu arabe en classe, ou alors me dire que tel mot en français a tel autre sens en arabe…
J’ai aussi quand même quelques élèves (somme toute assez rares) qui semblent venir de la profonde campagne berrichonne. J’ai ainsi un élève qui m’a dit qu’il avait « mal au têtiau » (traduisez mal à la tête), ou « mal aux gigots » (aux jambes) !!!... D’ailleurs, lorsqu’ils ont dû se déguiser pour jouer une pièce de théâtre, cet élève n’a pas hésité, pour jouer une paysanne, à rapporter de véritables sabots…



D – Si l’on excepte le suicide, la cure de sommeil dans un centre hospitalier pour dépressifs, la psychothérapie et l’auto destruction par prise massive d’alcool mélangé à des anxiolytiques, quelles activités peut-on faire concrètement à Châteauroux ?

C - Mais figurez-vous qu’il y a deux cinémas à Châteauroux, dont un d’art et d’essai ! Il y a aussi une médiathèque, dans laquelle on peut emprunter notamment des DVD ou K7, il y a un théâtre, des restos sympas, un musée (bon c’est déjà ça !) et… (même si je n’y vais jamais) des boîtes et le stade de foot de la Berrichonne !!!


Mais quel mauvais sujet oserait dire qu'il n'y a rien à faire à Châteauroux ? Voyez les deux attractions du moment pour vous convaincre, s'il était besoin, du dynamisme de cette localité... C'est vrai que la carrière d'Enrico Macias n'était pas au top depuis un moment, mais gageons que le fait d'avoir dit chez Ruquier qu'il allait voter Sarkozy va relancer sa carrière : un pied-noir de gauche qui vote Sarko, c'est sensass ! Quant à Diam's, on murmure dans les sous-pentes qu'elle aurait préparé un rap spécialement pour son concert à Châteauroux, dont j'ai réussi à soutirer quelques paroles en exclusivité pour vous :

"Mais qui qu'a dit qu'Châteauroux c'était naze ?
Comme Sarko, j'y pense pas seul'ment quand j'me rase
Berrichons, c'est pour vous c'rap de Diam's
Pour vous dire que j'kiffe grave vot'race"


D – Selon toi, comment le Berrichon moyen envisage-t-il sa condition de Berrichon moyen ? Comment prend-il les poncifs du genre de ceux qui foisonnent dans cette interview pourrie ? Avec une bonne dose d’humour et d’auto dérision (genre : « c’est vrai qu’on s’emmerde, mais faut bien assumer ses origines ») ? Avec fierté et dénégation (genre : « c’est pas vrai, y’a plein de choses à faire ici, et pis d’abord je suis fier d’être Berrichon et je vous emm… ») ? Avec revendication argumentée (genre : « il y a tout ce qu’il faut ici, et puis au moins il n’y a pas d’embouteillages, le logement est pas trop cher, j’ai un confort de vie moi, pas comme ces dingues de parigots ! ») ? Avec un acquiescement total (genre : « t’as raison on s’emmerde, d’ailleurs je compte bien porter plainte contre mes parents pour m’avoir fait naître et élevé ici, et dès que je peux je me casse ! ») ? Avec violence (genre : « PAF ! »… Aïe !) ?

C - Lorsque mes élèves de seconde, l’an dernier, m’ont rendu le jour de la rentrée leur feuille de présentation, je me suis rendu compte qu’ils n’avaient qu’une idée en tête à l’avenir : quitter Châteauroux pour aller dans le sud, et pour avoir une maison, avec une « piscine creusée » !!!! Et visiblement, les étudiants vont bien souvent à Tours ou Orléans, ils ne restent pas à Châteauroux…
Par contre, j’ai des collègues qui, ne venant pas du Berry, ont pourtant fait le choix de s’y installer pour le confort de vie : effectivement, pas d’embouteillages, prix de l’immobilier encore relativement abordable, et puis les élèves ne sont pas des gros délinquants !



D – Comme dans toutes les zones rurales éloignées des plages et des pistes de ski, les Berrichons sont sans doute obligés de recourir à des trésors d’inventivité pour attirer le touriste, sans le moindre succès bien évidemment. Lesquels ont cours par ici ? « Merveilleuse abbatiale gothique flamboyante au bas-relief polychrome représentant une scène du jugement dernier dans un style unique en Europe occidentale » ? « Station verte de vacances pour vieux grabataires aimant pêcher dans un calme à peine troublé par le gazouillis des tits zosiaux » ? « Goûtez à la gastronomie Berrichonne et quitte à vous faire chier, essayez au moins de bouffer bien auparavant, ce qui peut sembler être dans l’ordre des choses. » ?

C - Il y a le Parc Naturel Régional de la Brenne, assez exceptionnel apparemment notamment du point de vue des oiseaux… Il y a beaucoup de forêts, d’où beaucoup de cervidés, d’où la chasse…. Beeerk ! Bon, pas dans le Berry, mais pas loin, entre le sud du Loir-et-Cher et le nord de l’Indre, une collègue m’a dit que la chasse était une véritable culture même chez les gamins : il y a même des « clubs chasse » dans des collèges !!! Bon enfin pour Châteauroux, j’en ai pas entendu parler… Enfin récemment Châteauroux a accueilli un salon de la pêche… Sinon y’a le Center Parks de la Sologne qui n’est pas loin.
Et j’oubliais le point le plus important : George Sand, écrivain du XIXè pour ceux qui ne connaîtraient pas, est LA figure emblématique du Berry. Grande est la publicité faite pour tout ce qui se rattache aux années de sa vie passées dans son Berry chéri… Hormis sa maison à Nohant, il y a des parcours, des circuits, des lieux à voir car elle les a évoqués dans des romans… Tels, par exemple, la Mare au Diable ou le Moulin d’Angibault… Et quelle ville de l’Indre n’a pas sa « rue George Sand » ? C’est incontournable !



Artère commerciale de Châteauroux à l'heure de pointe.


D – Bon, et ces plats Berrichons alors ? Peux-tu en citer quelques uns ? Est-ce que c’est bon au moins ?

C - Boaf, rien de folichon, je connais le « pâté berrichon », un vulgaire pâté en croûte avec de l’œuf… Il y a aussi les galettes de pommes de terre, et le « Caprice berrichon », une espèce de gâteau aux noix et aux framboises, dont le seul que j’aie goûté est un essai de ma part… pas terrible ! Et puis bon il y a quand même dans la région le fromage de chèvre : du Selles-sur-Cher ou du Valençay notamment, et quelques vins, comme le Valençay encore, ou le Reuilly. Moi, je retiendrais surtout ça : le chèvre et le vin (enfin le vin c’est surtout mon père qui retient) !!


D – Et les hommes Berrichons ? Sont-ils inconscients de leur condition au point d’oser adresser la parole à un être aussi sublime que toi ? Pire, serait-il possible qu’ils poussent l’impudence jusqu’à te faire des avances ?

C - Ben j’en connais pas la raison, mais j’avoue que de ce côté-là, je suis tranquille ! Mais bon, je ne suis pas non plus quelqu’un qui sort beaucoup, et encore moins dans les « lieux branchés »…. si tant est qu’il y en ait à Châteauroux !


D – Et les enfants Berrichons ? Toi qui es venue de si loin, engagée volontaire dans cette fantastique organisation humanitaire qu’est l’Education Nationale, avec abnégation et au mépris de l’adversité ? Est-il vraiment possible d’espérer un jour éduquer cette engeance ? Pourquoi prodiguer tes soins aux enfants Berrichons plutôt qu’aux si gentils marmots du 9-3, public traditionnellement attribué aux jeunes professeurs ?

C - Boah, « Si loin » est un peu exagéré… Les « éduquer », pour certains, ce ne sera pas possible, pour d’autres si, enfin je crois que ce n’est pas spécialement différent, plus difficile ou plus facile qu’ailleurs… Enfin bon, si, ça doit quand même être plus « facile » qu’à Dreux ou que dans le « 9-3 » effectivement… Ensuite, pourquoi enseigner plutôt aux Berrichons ? Comme je l’ai expliqué plus haut, je me suis retrouvée dans le Berry sans trop le vouloir, au départ, et j’ai fait le choix d’y rester effectivement en pensant qu’il y avait certainement pire ailleurs… Et parce que je ne pouvais pas rentrer dans mon « pays natal », la région nantaise, faute de points !


D – Il y a au moins un sujet qui fait l’unanimité chez tous les beaufs de la terre, c’est le football. L’avantage du foot, c’est que même quand on en a rien à foute, comme moi, eh bien à moins de ne jamais allumer la télé, on est obligé de savoir au minimum ce qui se passe en Ligue 1, ainsi qu’à la Vigilante de Mérouby-les-Quiquettes (si l’on pose comme postulat que l’on habite à Mérouby-les-Quiquettes)… Bien malgré moi, j’ai donc su il y a quelques années que le club de Châteauroux, dûment appelé la Berrichonne de Châteauroux (j’ai dit : arrêtez de vous marrer là-bas, près du radiateur !), était brièvement monté en Ligue 1 où il faisait figure de petit poucet en ce qui concerne les finances, et par voie de conséquence en ce qui concerne le classement. Dans une ville de cette taille, 50 000 habitants si je ne m’abuse, je suppose que de pareilles performances doivent gonfler d’orgueil la poitrine de tous les beaufs du coin, et j’imagine qu’ils sont nombreux… Vois-tu parfois des symptômes ou des stigmates de « La Berrichonne-mania » lorsque tu oses t’aventurer en dehors de chez toi ?

C - Je ne m’aventure pas si souvent en dehors de chez moi, et surtout quasiment jamais aux abords du stade de la « Berri » (c’est comme ça que les locaux appellent la « Berrichonne » !)… Ne m’intéressant pas moi-même au foot, je ne suis jamais allée voir un match. Je n’en ai pas entendu parler tant que ça, mais j’en ai tout de même tout de suite entendu parler en arrivant à Châteauroux, car lorsque j’ai fait mon stage en lycée, j’ai eu une classe avec trois garçons qu’on appelait les « Berri », car ils allaient tous les jours s’entraîner à 16h au Centre de Formation… Peut-être des futurs Zidane ?... ;-)


D - Eh bien en tous cas merci Castelroussine pour ton admirable abnégation pour le service public. Bonne continuation, bon courage, bonne chance et toutes mes condoléances !

Copyrat draleuq 2007

draleuq, 09h23 :: :: :: [5 soupirs de satisfaction]

12 Août 2011 ::

« Les joies du camping - 2ème partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte deux :
1. Les joies du camping - 1ère partie
2. Les joies du camping - 2ème partie



L'homme aux cervicales élastiques

Le camping, c'est aussi ce gars qui, à chaque fois qu'il traverse ostensiblement ton emplacement, regarde comme une bête curieuse ce que tu es en train de faire. Ses jambes et son corps continuent à avancer, mais sa tête, obsédée par tes activités passionnantes (ranger le foutoir dans la caisse, étendre du linge, prendre le petit déj, etc.), opère une rotation progressive pour continuer à te fixer. Alors au bout d'un moment tu as de la peine pour lui, tu te dis qu'il va se faire un grave torticolis, et tu lui dis : « bonjouuuuur ! ». Et là, il répond « bonjour » et il arrête de te regarder.

Ah ! C'est ce que t'attendais en fait, c'est ça ? Que je te dise bonjour ? Mille pardons brave inconnu aux manières policées ! Mais il y avait une façon plus simple de parvenir à tes fins, et surtout moins dangereuse pour tes cervicales : il suffisait de me dire : « bonjour ». Et je t'aurais répondu.

Les "petites mains"

Mais comment parler du camping sans mentionner les braves saisonniers qui y travaillent ?
Il y a d'abord le jardinier qui dort visiblement dans ses fringues depuis plusieurs mois. Dès le matin, il titube en arrosant les pots de fleurs, et en fout la moitié à côté.
- Bonjour ! Lui dis-je. (j'ai compris la leçon depuis l'homme aux cervicales élastiques).
- B... Bonjour... V... Vous inquiétez pas. Le b... beau temps va revenir !
Rhaaaa oui, le beau temps, c'est vrai ! Suis-je bête ! Je ne suis décidément pas très perméable au code du campeur.

Et puis il y a la femme de ménage. Enfin non, la réceptionniste de 8 heures à 11 heures, qui à 11 heures troque son jean et son T-shirt pour un Marcel et un calcife à fleurs avec des tongues du plus bel effet, empoigne le... tuyau d'arrosage et « nettoie » les sanitaires, mégot au coin du bec.

Car des sanitaires de camping, voyez-vous, ça ne se lave pas comme votre salle de bains, non... Mais plutôt comme votre voiture après un safari sur un chemin de terre par temps d'orage. A grands coups de tuyau d'arrosage du plafond au sol, en passant par les murs, et malheureusement pas nécessairement dans cet ordre-là !
Ensuite, quand elle a fini, elle pose deux ou trois « raclettes » dans le couloir à l'intention des aimables clients qui vont en avoir bien besoin avant d'envisager quoi que ce soit d'autre, puisque quand tu marches dans les toilettes ça fait « flotch » « flotch ». Quant aux miroirs, ils sont tellement recouverts de traces de coulures blanches (dans le meilleur des cas) qu'il est quasi impossible de distinguer sa tronche dedans. Vous me direz qu'en camping, c'est bien souvent préférable ainsi !

Conversations de sanitaires

Ensuite, vous aurez tout le loisir de vous brosser les dents. Il faudra d'abord passer devant les éviers qui servent à faire la vaisselle, au fond desquels vous pourrez identifier tout ce que le camping a mangé au repas précédent, et puis entendre bien malgré vous quelques conversations de sanitaires à haute voix, dont tout le monde peut profiter à loisir dans ces boxs dont les cloisons ne montent pas jusqu'en haut (et ne descendent d'ailleurs pas jusqu'en bas), de sorte que l'isolation phonique est nulle :

Exemple 1 : Patrick et sa mère femme :

- Patrick, chuis là, hein !
- T’es où ?
- Dans la première douche. Tu veux le dentifrice ?
- Oui, mais j’ai pas ma brosse à dents.
- Je l’ai.
- Ah bah j’veux bien alors.
- Tiens, j’te passe par-dessus
(ndt : par-dessus la porte, bien sûr)

Exemple 2 : conversation non buccale :

- PrrrRRRRRrrrrrrrRRRRRRT (à ma gauche)
- Prt PrT PrT PrT PrrrrrrrT (à ma droite)

Merci les gars, j’étais venu pour me laver les ratiches, moi, pas pour vomir.

Exemple 3 : trois adolescents :

- Attends ils assurent trop bien les sanitaires
- Trop !
- Et t’as pas vu les douches. Sont au moins aussi bien qu’à X.
- A l’aise.
- Attends allez-y déconnez pas là, regardez pas les gars, je chie. Han han haaaaaaan.

- Je m’appelle Maaaathieu, c’est parce que je suis inteeeeeelligent (chantonnant sur un air inconnu), je m’appelle Maaathieu, c’est parce que je suis … (la voix s’éloigne, il sort).

Exemple 4 : Thomas et sa compagne :

- (sifflotements)
- Eh ben Thomas, t'es bien joyeux ! (dit le trumeau qui doit apparemment être sa compagne)
- Je chante pour oublier !

Un simple coup d'œil sur la donzelle suffit à savoir la nature exacte de ce qu'il a à oublier.


"Tu prends l'apéro ?"


Tout à coup, alors que vous êtes toujours en train de vous brosser les dents, Thomas tire la chasse d'eau. Vous entendez alors un bouillonnement dans la tuyauterie, suivi d'un glougloutement qui semble remonter vers vous des abîmes, avant qu'un peu d'eau assez peu limpide jaillisse du siphon et mouille le fond du lavabo dans un sens assez peu commun. Et là, vous sentez comme une furieuse envie d'aller vous laver les dents dans les fourrés et de vous rincer la bouche avec une bouteille d'eau de source.

Puis, vient l'heure de la douche, quand l'odeur du gel douche (pourtant j'avais pris du gel douche à la fraise, en prévision de jours difficiles) ne parvient pas à masquer les délicieuses effluves d'égout qui remontent par le trou d'évacuation...

Planter des poivrots poivrons

Ce soir, je revois notre ami jardinier. Désormais, il n'est plus assez étanche pour tenir debout, et fait des petites plantations, agenouillé dans la terre. Quel talent ! Admirez ce professionnalisme, cette capacité à adapter son poste de travail en fonction de son état de... euh... fatigue.
- Bonsoir ! Vous aviez raison, le beau temps est revenu ! (oui oui, je fais des progrès chaque jour)
- Gn... gniiiiih ?

En voilà un que le camping ne paie sûrement pas en euros !

Des gens normaux

Mais ne paniquez pas ! Le camping, c'est aussi des gens tout à fait normaux. Bon, il y en a assez peu, je vous l'accorde, mais il y en a.

Tenez, par exemple, ce couple de danois à côté de nous avec deux enfants en bas âge... Rien à redire. Tout à fait, et désespérément normaux. Limite chiants.
D'ailleurs, je soupçonne que ça les arrangeait bien de ne pas piper un mot de français, et qu'ils étaient ainsi trop heureux de ne même pas avoir à parler du temps.

Mais le camping, c'est aussi ce papy de 80 ans venu au soleil pour soigner son arthrite aux épaules, français émigré en Allemagne depuis 50 ans, avec des points noirs sur le nez au moins aussi vieux que ça, à qui je rappelais son fils, qui me parlait de Goëthe et me citait Kant tous les jours, en profitant à chaque fois pour me refiler du chocolat entre deux bouffées de pipe.
Je lui dédie ce texte.

draleuq, 09h22 :: :: :: [7 interventions abstruses]

11 Août 2011 ::

« Les joies du camping - 1ère partie »

:: Baratin

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte deux :
1. Les joies du camping - 1ère partie
2. Les joies du camping - 2ème partie


- Qui c'est qui baise ?
Oui, le campeur vit en osmose parfaite avec ses voisins.

(Franck Dubosc, Pour Toi Public)



Débat public

Dans un camping, microcosme estival de la société, on rencontre toute une galerie de personnages hauts en couleurs.

Il y a le type qui ne quitte jamais son fauteuil de la journée, d'où il a une vue la plus étendue possible sur les autres campeurs, à part peut-être en cas d'orage. Une fois par jour, à peu près toujours à la même heure, il a une conversation téléphonique avec je ne sais qui, pas forcément la même personne ; il beugle tellement dans son combiné qu'on peut suivre la conversation à 50 m. de distance, où on l'entend se confondre en aimables paroles : « allez oui, bonnes vacances à vous de même, c'était un plaisir de vous avoir, j'espère vous revoir bientôt. Mais de rien, c'est tout naturel. »

Il y a la bonne femme qui ne sort de sa caravane que pour voir les bateaux passer sur le Rhône, et éventuellement tenir une grande conversation avec la bonne femme de l'emplacement voisin... mais chacun restant sur son territoire, et pour peu que les emplacements soient assez étendus, tu profites alors d'un fantastique échange entre une voix de crécelle et une voix de mama méridionale tonitruante, intensité moyenne 85 décibels... C'est qu'il faut crier fort pour s'entendre à 15 m. de distance en plein air, surtout quand il y a du mistral. Et comme il y en a toujours...

Le beau temps

Sujet invariable du débat, le beau temps : quand va-t-il revenir ? Et quand il est enfin revenu, combien, mais combien de temps va-t-il rester ?

La météo est déjà en temps normal, comme chacun sait, le sujet numéro 1 des gens qui n'ont rien à se dire mais qui ne veulent pas paraître bégueules. Si tu ne parles pas du temps avec ton voisin ou avec ton concierge et que tu n'y prends pas garde, tu auras tôt fait de passer pour le sale con hautain du quartier ou de l'immeuble.
Mais il faut bien dire qu'en camping, ce sujet devient encore plus prégnant, et même, si j'ose dire, une priorité vitale qui peut rapidement compromettre l'intégrité des vacances. En temps normal, le camping n'est déjà pas ce qui se fait de plus confortable, mais quand il flotte à longueur de temps, d'abord t'es coincé dans 2 m² sans pouvoir te mettre debout. Ensuite, si ça n'arrête pas, il devient impossible de faire sécher tes fringues. Après, si ça n'arrête toujours pas, il devient impossible de porter des fringues sèches. Et enfin, si ça n'arrête décidément pas, il commence à pleuvoir même dans la tente, ou alors c'est la caravane qui se met à flotter toute seule.


Joie ! Bonheur ! Félicité ! Allégresse !


Galère Galerie des horreurs

Mais revenons à nos amis les campeurs. Un quart d'heure de tranquillité : la mama a épuisé le sujet avec la crécelle, le temps est au beau fixe et les cigales s'en donnent à cœur joie. Mais soudain c'est l'horreur, la crécelle décampe vers d'autres horizons et est remplacée par une normande. Pis que cela, voilà qui fournit à la mama un autre sujet de conversation : « vos prédécesseurs... » (mais c'est qu'elle a du lexique, en plus !)

Il y a aussi les deux petits jeunes qui ont installé leur tente dans l'emplacement tout au fonc du camping, loin, loin, sous les arbres. Tu ne les vois jamais, à part pour deux ou trois allers-retours quotidiens aux sanitaires, et, très important, la sortie du soir. Bermuda et polo très habillés pour Monsieur, petite robe de soirée pour Mademoiselle, pour se rendre... à la soirée karaoké[1] à l'entrée du camping.
Voilà une bonne leçon à ceux qui pensent que c'est dans la trentaine qu'on commence à devenir un beauf : en fait, on peut commencer très jeune.
Le reste du temps, nos jeunes éphèbes ne sortent pas de leur tente, on se demande bien ce qu'ils peuvent y faire à longueur de journée. Quelle tristesse pour de premières vacances, alors qu'il fait si beau dehors. Et puis un jour, c'est le grand départ, on les voit traîner leur sac de voyage à roulettes jusqu'au parking d'entrée (jamais de sac à dos, malheureux ! Ça sert à quoi, un sac à dos, à part à se briser les vertèbres ?) où papa maman viennent les chercher. Ah ! C'est frais, c'est bucolique ! Ça me rappelle ma jeunesse !... Attendez un instant. Euh, non en fait, ça me rappelle pas du tout ma jeunesse[2].

Nos amis campeurs, ce sont aussi nos deux nouvelles voisines, deux randonneuses à la carrure d'haltérophiles est-allemandes, dont nous apprendrons qu'elles ont été se plaindre à la réception du camping du fait que nous avions fort négligemment mis une serviette à sécher sur la barrière qui séparait notre emplacement du leur, ce qui leur gâchait sans doute la vue et les vacances, nonobstant le fait qu'elles gloussaient dans leur tente comme des dindes aux hormones jusqu'à 3 heures du matin.

Amis des foutus sacs à puces animaux

Mais c'est aussi ce gentil couple d'amis des animaux qui nourrissent tout ce que le coin compte de chiens errants et de chats abandonnés, et qui voudraient qu'on adopte ce pauvre petit minou exsangue et pouilleux, parce qu'eux en ont déjà un à la maison.

Intéressants à observer, ceux-là.

Elle ne cesse de monologuer, et son mari ne répond que par onomatopées :
- De quand il date ce bleuet campingaz, d'après toi ? C'est celui que t'as ramené de l'armée, ou on l'a acheté après ?
- Mmmmmmm
- Voyons, qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? Conservateurs, anti-oxydant, acide citrique... Berk, ils nous font vraiment bouffer n'importe quoi.
- Mmmmmmm
- Dis-donc, tu sais quoi ? J'ai accouché d'un dinosaure et ça m'a fait drôlement mal ![3]
- Mmmmmmm
- C'est agréable comme cadre, mais bon, c'est quand même sale, ah ouais c'est vraiment pas net !...
- Meeeeeeeeeerde !
(ne vous méprenez pas, ce n'est pas à sa femme qu'il parle, ça fait des années qu'il ne l'écoute plus... En fait, il était en train d'essayer d'ouvrir une boîte de sardines à l'huile et ça lui a un peu giclé dessus... Apparemment, ce brave homme était d'ailleurs d'une maladresse proverbiale car « meeeeeerde » était à peu près le seul mot intelligible que l'on entendait régulièrement sortir de sa bouche.)

Lassée sans doute par la trop grande participation de son compagnon à ses conversations quotidiennes, cette brave femme est venue plusieurs fois vers moi, et quand elle a vu qu'elle ne pourrait décidément pas me faire adopter son chat scrofuleux et cachectique, elle a commencé à m'entretenir des inconséquences des autres campeurs... ce qui donnait déjà une toute petite idée de ce dont elle devait parler avec eux quand j'avais le dos tourné.

Quand elle est partie, elle a laissé du pâté et du yaourt à ma fille en la missionnant pour nourrir ce putain de chat rachitique et gangréné. Ne pouvant m'amadouer, la maligne espérait sans doute que la gamine, qui bien sûr adore les petits minous comme toutes les gamines, allait y parvenir.
- Jette moi ça à la poubelle tout de suite et laisse-le crever, ce chat de merde !...
Enfin, je voulais dire, par humanité, il est inutile de prolonger plus avant les incommensurables souffrances de cette malheureuse créature du Seigneur.

_________________________________
1. Karaoké : n,m, Art de se ridiculiser devant une assemblée de beaufs en chantant comme une casserole les plus grands titres de Patrick Bruel, Joe Dassin ou Gérard Lenorman, sans oublier les incontournables "démons de minuit".

2. Ceci m'a toutefois rappelé une anecdote : lorsque j'avais 19 ans, j'étais parti en vacances en camping avec ma copine de l'époque, à vélo et sac au dos (c'était l'bon temps vindious), et je me souviens qu'un soir que nous dînions, certes chichement mais correctement, assis par terre autour d'un bleuet campingaz, une gamine de 10 ans tout au plus était passée à côté de nous, et avait dit à haute voix tout en nous toisant : "Mmmmmh, ça pue la pauvreté, par ici !"

3. Bon OK, celle-là, je l'ai ptêt rajoutée...

draleuq, 09h57 :: :: :: [0 gentillesse]

6 Août 2011 ::

« Syndicrat, cra, cra »

:: Les dérapages du rat




PS : merci à ma fille chérie qui a fait tous ces dessins grâce auxquels le rat a trouvé une nouvelle façon de se poiler ! Eh oui, elle a bien évolué depuis le Père Noël psychopathe !
Dites... Vous n'avez quand même pas cru un seul instant que j'avais pu faire ça moi-même ?

draleuq, 19h20 :: :: :: [5 déclarations infondées]

1er Août 2011 ::

« Ah, si seulement j'étais mal élevé ! »

:: Baratin

Vous n'avez jamais remarqué ? Vous n'avez jamais rien vu ? Ça ne vous a pas sauté aux yeux ?
Des fois, on a vraiment l'impression qu'ils le font exprès !
Eh bien... Ils le font exprès !
Ils ont le temps. Ils sont organisés. Ils sont nombreux. Ils sont de plus en plus nombreux.
Ils veulent le pouvoir, pour vous pourrir la vie. Parce que la leur elle est finie, mais elle continue quand même !

Groland


Un jour, je n'eus pas le choix, il fallait que je me rende à l'hypermarché un samedi après-midi. Autant dire que pour en arriver là, il fallait vraiment un cas de force majeure. Et c'était donc forcément pour acheter un ou deux faillis trucs.

Une fois que je m'étais frayé un passage dans la mêlée des rayons, je me précipitais aux caisses pour sortir le plus vite possible de ce temple du consumérisme bondé. Comme dans presque toutes les grandes surfaces, il y avait une caisse prévue afin de ne pas dégoûter à tout jamais les gens comme moi. A cette caisse, trônait en gros l'écriteau suivant : « Caisse moins de 10 articles », si gros que même une taupe souffrant de DMLA l'aurait vu.
Or, les vieux de 70 ans passés qui étaient juste devant moi n'étaient de toute évidence pas malvoyants.

Même à vue d'œil, le contenu de leur chariot excédait largement les 10 articles, la caissière aussi le vit et leur dit, selon ses consignes probablement :
- Vous êtes sûrs que vous avez moins de 10 articles, là ?
- Oh oui oui, à un ou deux près.


A ce stade, soit ils étaient complètement débiles et ne savaient pas compter, ce dont je doute, soit ils étaient d'une mauvaise foi frisant le foutage de gueule.
Je comptai donc... Très exactement 17 articles...
Moins de 10 articles, stricto sensu, c'est 9 articles ou moins. Mais bon, je ne suis pas un esprit chagrin : 10 articles, ça passe encore. Même 11. A 12, je trouverais sans doute qu'ils abusent, mais sans plus, ou si ça se trouve je n'y prêterais pas attention. Mais 17, ça c'est indéniablement du foutage de gueule, surtout quand tu te fais aiguillonner par la caissière et que tu réponds innocemment : « oui oui, à un ou deux près ». Un ou deux près par rapport à 9, on est bien d'accord que ça nous mène à un maximum de 11... pas 17.
Si les 10 personnes qui attendent dans la file estiment que « 10 articles ou moins », ça se respecte à la douzaine près, soyons clair et net, ça ne rimera plus à rien du tout.

On ne devisera pas sur le fait qu'ayant plus de 70 ans, ces empêcheurs de sortir vite d'un foutu hypermarché étaient tous deux forcément retraités, et ont donc toute la semaine pour faire leurs putains de courses au lieu de venir faire chier les braves gens le samedi après-midi. Loin de moi cette idée. Après tout, il paraît que de nos jours il y a des « seniors » qui sont presque plus occupés à la retraite que quand ils bossaient (en tous cas, c'est sûrement vrai pour beaucoup d'anciens fonctionnaires, entre autres). Et après tout, peut-être que tout simplement ils n'ont pas de famille et ont envie de sortir et de voir du monde. Comme ça fait tout de même désordre d'aller en boîte, ils vont à Leclerc le samedi après-midi. Pourquoi pas. C'est une méthode qui se respecte. On est dans un pays libre, après tout.

On ne devisera pas non plus sur le fait que si ce qu'ils voulaient, c'était voir du monde, alors ils auraient normalement dû emprunter la file la plus longue, celle avec 5 caddies archi pleins pour des familles de 4 enfants, au lieu de mentir de façon éhontée sur le contenu du leur.

On devisera encore moins sur le fait qu'ayant sans aucun doute vu que j'étais derrière eux et que je n'avais qu'un truc dans chaque main, s'estimant déjà heureux d'avoir gagné 10 mn de leur précieux temps de retraités en resquillant, ils auraient au moins pu avoir la magnanimité de me laisser passer devant eux, moi qui sagement respectais scrupuleusement les règles édictées par le propriétaire des lieux.

Passons sur tout cela. En serrant les dents, oui, mais passons.
Vient donc leur tour de passer en caisse.
La vieille apostrophe la cliente de devant elle, qui avait acheté une salade :
- Ah, vous achetez encore des salades, vous ? Je sais pas comment vous faites, nous avec tout ce qu'on voit à la télé, on n'ose même plus en acheter, on a trop peur de s'empoisonner !
Heureusement, l'autre, qui faisait probablement partie de mon espèce, décline poliment la conversation en esquissant un sourire et en tournant les talons en direction de l'extérieur, en direction de la libertéééé !
Mais la vieille ne renonce pas, se lançant dans de grandes envolées philosophiques dont je vous laisse deviner la portée, avec la caissière cette fois... Elle avait dû voir à ma tronche que c'était pas trop avec moi qu'il fallait qu'elle tente sa chance.
La caissière, obéissant là encore probablement à ses (putains de) consignes, répond poliment. Pendant ce temps, les clients s'amoncèlent derrière moi, les bras chargés de quelques articles, piaffent mais se taisent.

- Putain la vieille, t'accélères le mouvement, sinon tu vas aller continuer ton salon de thé au cimetière ! J'vais t'faire passer l'arme à gauche moi, tu vas voir, plus vite que la plus chargée en dioxine des salades que tu pourrais cueillir entre Seveso et Tchernobyl ! (pensai-je)

Rhaaaaa la la... Si seulement j'étais mal élevé, des fois !

draleuq, 12h52 :: :: :: [8 obscénités]