Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

Le boulot,
ça me
réussit pas
Pauvre
tocard...
En vérité je vous le dis, l'on écrase joyeusement la morale, tant et si bien que l'amitié s'oublie en évitant la fin de l'imagination
Saint Tobustin ::
Le lion & le rat (Le Tref & l'Aucube)

30 Juin 2012 ::

« L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 3 »

:: Histoire contemporaine, 1942

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte 4 :
1. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 1
2. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 2
3. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 3
4. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 4


Et voilà le Tirpitz

Le frère jumeau du Bismarck, lui, ne sera terminé que fin 1941, c'est-à-dire six mois après la perte du premier. Il appareille de Kiel pour Trondheim, en Norvège, dans la nuit du 14 au 15 janvier 1942.
De l'aveu même de Churchill, toute la stratégie de la Royal Navy va tourner autour du Tirpitz pendant plus de deux ans. Conscients qu'ils n'avaient coulé le Bismarck qu'à la faveur d'une sorte de "coup de bol" (la torpille dans le gouvernail), les britanniques restent traumatisés par la courte - mais sanglante - carrière du "grand frère", et vont tout mettre en oeuvre pour mettre le Tirpitz hors d'état de nuire.
De fait, pendant deux ans, le Tirpitz, sans pratiquement bouger de la côte Norvégienne, va immobiliser d'importantes forces aéronavales britanniques à Scapa Flow, forces dont ils auraient bien eu besoin ailleurs (en méditérranée et dans l'océan indien contre les Japonais notamment).
Dès le 28 janvier 1942, un raid de 16 bombardiers Stirling et Halifax est envoyé en mission sur le Tirpitz, mais ne parvient pas à mettre une seule bombe au but.


Le DKM Tirpitz, dans un fjörd Norvégien



Bombardiers Stirling


Première mission

Accompagné de deux destroyers, le Tirpitz appareille de Trondheim le 5 mars pour aller attaquer les convois britanniques de l'arctique. Il est commandé par l'Amiral Ciliax.
Très vite, il est repéré par le sous-marin anglais Seawolf qui transmet sa position à l'Amiral Tovey, qui justement se trouve à ce moment en mer à la tête d'une imposante flotte composée des croiseurs de bataille King George V, Duke of York, Renown, du porte-avions Victorious, d'un croiseur lourd et de douze destroyers !
Le 7 mars, les Allemands et les Anglais passent à moins de 80 milles les uns des autres, mais le temps est tellement pourri qu'ils ne s'en rendent pas compte.
Le 9 mars, le temps s'améliore et la visibilité est bonne. 12 bombardiers torpilleurs biplans Albacore décollent alors du porte-avions Victorious pour frapper le Tirpitz. Mais là encore, aucun coup au but ! Le Tirpitz va se réfugier au port de Narvik et ne peut donc accomplir sa mission. Il regagne Trondheim quelques jours plus tard. Sa petite escapade a coûté aux Allemands 8 000 tonnes de mazout et faute de carburant, le Tirpitz est réduit à l'immobilité pour un bout de temps.


Bombardier torpilleur Fairey Albacore


Mais cela, les Anglais ne le savent pas. Redoutant toujours de voir le Tirpitz dans l'Atlantique Nord, mais sachant que les Allemands ne risqueront pas leur cuirassé s'ils ne disposent pas d'une cale sèche assez grande pour le faire éventuellement réparer sur la face atlantique, ils déclenchent, le 27-28 mars 1942, l'Opération Chariot, un raid sur la forme-écluse Joubert de St Nazaire, la seule capable de recevoir le géant (rappelons-nous que c'est déjà vers celle-ci que le Bismarck se dirigeait lorsqu'il fut touché par la funeste torpille).
Le succès de cet audacieux raid des Opérations Combinées britanniques ne suffit pourtant pas aux Alliés qui veulent à tout prix en finir avec le Tirpitz.
Le 31 mars 1942, 33 bombardiers lourds Halifax attaquent le cuirassé dans la rade de Trondheim, sans succès.


Bombardier lourd Halifax


Le 27 avril suivant, attaque de nuit avec 43 Halifax et Lancaster, toujours aucun résultat. Et le lendemain, 28 avril, la R.A.F. récidive avec 34 bombardiers semblables à la veille. Et c'est à nouveau l'échec. Les britanniques, lors de ces deux derniers raids, ont perdu 7 avions.


Première mission du Tirpitz


Deuxième mission

Dans l'intervalle, les Allemands sont parvenus à envoyer suffisamment de mazout en Norvège pour approvisionner le Tirpitz. Accompagné du cuirassé de poche Admiral Scheer et du croiseur Hipper, il se rend à Altenfjord, au nord de la Norvège, au mois de juin 1942.
Le 3 juillet, les trois navires appareillent pour aller intercepter un convoi vers la Russie dans l'Arctique. Les Britanniques, toujours très impressionnés par le géant (certains historiens prétendent aujourd'hui qu'ils l'ont fâcheusement surestimé), réalisent que la Home Fleet est trop à l'ouest pour intervenir, et pensent que l'escorte de croiseurs et de destroyers du convoi n'est pas de taille à affronter le Tirpitz et ses acolytes. Ils ordonnent alors à l'escorte de se replier vers l'ouest, et aux cargos de continuer leur route en se dispersant, pensant qu'ils feront ainsi des cibles moins faciles.
Hélas, les cargos, désormais sans défense, seront détruits un à un par les Allemands, et seuls 10 sur 33 parviendront à leur destination en Russie.
Ce n'est d'ailleurs pas le Tirpitz qui les a détruits, car celui-ci a encore une fois raté sa cible ! Ce sont les U-Boot et les avions de la Luftwaffe.
Quant au Tirpitz, il s'en retourne à Altenfjord dès le 5 juillet.


Deuxième mission du Tirpitz


Retour à Trondheim

Peu après, il regagne Trondheim pour y subir un carénage de plusieurs mois.
Le 26 octobre 1942, les Britanniques tentent une première attaque sous-marine sur le Tirpitz.
Leif Larson, le chef de la résistance Norvégienne, quitte les îles Shetland, au nord de l'Ecosse, dans un chalutier. A son bord, six hommes-grenouilles qui doivent attaquer le cuirassé à l'aide de "chariots", des torpilles biplaces naviguant en surface ou en plongée (le principe a été inventé par les Italiens et leurs "Maiale").


Chariot



Equipage de "chariot" en action de surface


Larson parvient dans le fjord de Trondheim, remorquant les "chariots" immergés, mais alors qu'il ne se trouve plus qu'à 8 kilomètres de son objectif, une tempête se lève. Les "chariots" partent à la dérive et se détachent. Tous les hommes parviennent à gagner la Suède, à l'exception d'un, mais l'attaque est un échec.
En février 1943, ses réparations enfin terminées, le Tirpitz regagne Altenfjord.

draleuq, 18h16 :: :: :: [0 critique dithyrambique]

23 Juin 2012 ::

« L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 2 »

:: Histoire contemporaine, 1941

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte 4 :
1. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 1
2. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 2
3. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 3
4. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 4



La grande traque

Après son succès face au Hood et au Prince of Wales, Lütjens hésite. D’un côté, cette victoire est encourageante. D’un autre côté, le Bismarck a tout de même été touché, et les Anglais semblent anticiper tous ses déplacements depuis son départ le 18 mai, et il commence à se demander s’il ne ferait pas mieux de rebrousser chemin et de renoncer à descendre sur l’Atlantique. Il finit pourtant par décider de continuer sa mission.


A gauche : Amiral Günther Lütjens (1889-1941)
Vétéran de la première guerre mondiale, il y avait commandé un torpilleur et avait mené plusieurs raids sur Dunkerque. Anti-nazi, il avait fait partie des rares officiers à écrire une lettre de protestation après la "nuit des longs couteaux". Pessimiste quant au bien-fondé de la mission du Bismarck, il semblerait qu'il avait ordonné de ne pas engager le Hood, mais que Lindemann lui aurait désobéi.

A droite : Amiral John Tovey (1885-1971)
Egalement vétéran de la première guerre mondiale, il avait
notamment participé à la célèbre et terrible bataille du Jütland, en 1916.


Une impitoyable traque va donc être lancée par la Marine britannique :
- Les croiseurs Suffolk et Norfolk suivent toujours le Bismarck à portée radar.
- L'Amiral Tovey monte lui-même à bord du HMS King George V, un croiseur de bataille identique au Prince of Wales, et quitte Scapa Flow avec le porte-avions HMS Victorious et toute une flottille de destroyers.
- La Force H quitte Gibraltar et fonce vers le nord à la rencontre du Bismarck. Elle est composée du croiseur de bataille HMS Renown, du croiseur léger HMS Sheffield, et du porte-avions HMS Ark Royal.
- Le croiseur de bataille HMS Rodney, qui escorte un convoi de troupes canadiennes vers les Iles Britanniques, reçoit l'ordre de se dérouter vers le Bismarck.
- Le croiseur lourd HMS Dorsetshire, qui escorte un convoi en provenance d'Afrique-du-Sud, reçoit également l'ordre de se diriger vers le Bismarck.


Cette carte a été faite par mes soins en recoupant toutes les informations que j'ai pu trouver. Elle n'a pas la prétention d'être d'une précision géographique d'orfèvre, notamment sur le trajet exact des bateaux. Merci de votre compréhension.


Dès le soir du 24 mai, les avions torpilleurs Swordfish lancent un raid sur le Bismarck à partir du porte-avions HMS Victorious, de la Home Fleet. Le cuirassé est touché une seule fois, l'explosion tue un marin, le premier sur le Bismarck depuis qu'il est parti 6 jours plus tôt. Mais aucune avarie ne résulte de ce coup au but, et le cuirassé continue sa route.
A 3 heures du matin, le 25 mai, les poursuivants Suffolk et Norfolk perdent le signal radar de leur proie, tandis que la Home Fleet fait une erreur d'appréciation en remontant trop au nord. A ce moment précis, on peut parier que le Bismarck parviendra à gagner la côte bretonne pour se mettre à l'abri des destroyers et de la couverture aérienne de la Luftwaffe, et qu'il pourra ensuite aller se faire réparer tranquillement dans la Cale Joubert au Port de St Nazaire, seule cale sèche assez grande pour recevoir le géant des mers.


Avions biplans lanceurs de torpilles "Swordfish"


Mais deux événements vont changer son destin.
Tout d'abord, dans la journée du 25, l'Amiral Lütjens, malgré les objections du Capitaine Lindemann, va commettre une grave imprudence et transmettre un message radio d'une demi-heure, au risque qu'il soit capté par les britanniques, ce qui sera bien sûr le cas.
Ensuite, dans la matinée du 26, un avion de reconnaissance décolle du Lac Lough Erne en Irlande du Nord et passe par un corridor aérien au-dessus de la République d'Irlande (pour la petite histoire, ce corridor a été secrètement négocié avec ce pays, qui est neutre). Pendant sa mission, par un incroyable coup de chance, il survole et reconnaît le Bismarck, transmettant aussitôt ses coordonnées précises à l'Amirauté.


Le Lac Lough Erne vu des Cliffs of Magho (photo draleuq)


Les Anglais réalisent alors que le Bismarck est hors de portée de la Home Fleet et du HMS Rodney. Tous leurs espoirs reposent désormais sur la Force H, et surtout sur les avions Swordfish du porte-avions HMS Ark Royal.
Un premier raid est lancé au début de la soirée du 26, mais le temps est tellement épouvantable que les aviateurs confondent leur propre croiseur HMS Sheffield avec le Bismarck ! Mais, par un incroyable coup de chance, cette erreur va se retourner en faveur des Anglais. En effet, les torpilles lâchées sur le Sheffield n'explosent pas, ce qui les amène à conclure que c'est le nouveau système de détonateur magnétique qui ne fonctionne pas. Avant de lancer un nouveau raid, on prend donc le temps de démonter ces détonateurs et de les remplacer par des détonateurs au contact.
A 21 heures, la nuit tombe, et c'est le raid de la dernière chance pour les Swordfish de l'Ark Royal. Presque tous manquent leur cible, mais un pilote parvient à placer une torpille à la poupe du Bismarck, qui endommage le gouvernail de manière irrémédiable. Cette fois, c'est le tournant. Le cuirassé n'est plus manoeuvrable, et condamné à faire de grands ronds, et encore, à vitesse réduite, ce qui fait de lui une cible d'autant plus facile.

LE DESTIN DU PORTE-AVIONS HMS ARK ROYAL



Il sera torpillé par le sous-marin U-81, le 13 novembre 1941 en Méditérranée. Les dommages, apparemment mineurs, seront mal évalués, ce qui entraînera son chavirage le lendemain. Sur les 1 575 hommes de son équipage, un seul perdra la vie.


Pire que tout, son gouvernail coincé l'emmène vers le Nord, à la rencontre de la Home Fleet et du HMS Rodney, jusqu'ici hors de portée. Il n'a plus qu'à défendre chèrement sa peau.
Toute la nuit du 26 au 27, le Bismarck va être harcelé par les torpilles de quatre destroyers britanniques, mais aucun coup au but ni d'un côté ni de l'autre.
Le sous-marin allemand U-556, de retour de mission, et qui s'est entraîné avec le Bismarck en mer baltique, passe à portée du King George V et de l'Ark Royal, mais décidément le sort est contre les allemands : il est à court de torpilles.

Le coup de grâce

Au lever du jour, le 27 mai, la bataille finale est lancée. Pendant plus de deux heures, un déluge de feu va s'abattre sur le géant blessé. Plus de 2000 tirs d'obus, dont plusieurs centaines atteindront le Bismarck.
Le Norfolk, le King George V, le Dorsetshire, le Rodney le toucheront tous à plusieurs reprises, ce dernier avec des obus de 406 mm ! Les superstructures du cuirassé sont tellement écrasées sous le feu qu'il est bientôt réduit au silence, ce qui permet au Norfolk et au Rodney de s'approcher encore plus près du monstre et de lui envoyer deux torpilles chacun.


Le croiseur de bataille HMS Rodney, soutenant
le débarquement en Normandie, le 7 juin 1944


Mais le Bismarck s'obstine encore à flotter. Tandis que les destroyers et les trois autres croiseurs, à court de munitions et de fuel, se retirent du champ de bataille, le Dorsetshire reçoit l'ordre d'achever le Bismarck.
En partant, l'Amiral Tovey, du pont du King George V, aurait dit "impossible to sink with guns"...
Le HMS Dorsetshire s'approche à son tour du Bismarck et lui expédie deux torpilles sur un flanc, une sur l'autre. A 10 h 40, il sombre enfin...
C'est également le Dorsetshire qui va commencer à secourir les naufragés du Bismarck. Mais alors que seulement 115 ont été sauvés, une alerte au sous-marin retentit et le navire anglais reçoit l'ordre de quitter les lieux et d'abandonner les autres à une mort certaine. Ces 115 privilégiés seront les seuls survivants sur les 2200 hommes de l'équipage du Bismarck. L'Amiral Lütjens et le capitaine Lindemann avaient sans doute trouvé la mort dans le bombardement, avant le naufrage.

LE DESTIN DU HMS DORSETSHIRE



Croiseur lourd HMS Dorsetshire



Des survivants du DKM Bismarck hissés à bord du HMS Dorsetshire


En août 1941, le Commandant Augustus Agar (1890-1968), héros de la première guerre mondiale (il a participé au raid sur Zeebrugge en 1916 et a reçu la Victoria Cross pour son action contre les Bolcheviques en 1919) reçoit le commandement du HMS Dorsetshire. Le 4 avril 1942, alors qu'il est stationné à Colombo dans l'île de Ceylan avec son sister ship le Cornwall, l'Amiral James Somerville (celui-là même qui commandait la Force H de Gibraltar sans laquelle le Bismarck n'aurait pas été coulé) lui ordonne de le rejoindre aux Maldives.
Mais les deux navires sont attaqués par l'aviation Japonaise au milieu de l'Océan Indien. Touché par neuf bombes, le Dorsetshire sombre. Plus de 500 membres de l'équipage survivront, mais 234 trouveront la mort.


La fin des HMS Dorsetshire et Cornwall


Sabordage ou pas sabordage ?

Une polémique verra ensuite le jour, qui n'a toujours pas trouvé son épilogue aujourd'hui.
Plusieurs survivants du DKM Bismarck prétendirent en effet que leur navire n'avait pas coulé sous l'effet des obus, ni des torpilles, pas même celles du Dorsetshire, mais avait été sabordé par les Allemands eux-mêmes pour ne pas que le Bismarck ne tombe entre des mains ennemies.
Naturellement, les Britanniques contestent formellement cette version : selon eux, c'est bien le Dorsetshire qui a achevé le cuirassé allemand.

L'épave fut découverte à 4700 m. de profondeur en 1989, par Robert D. Ballard, également découvreur de l'épave du Titanic. Après analyse de l'épave, Ballard suggéra qu'un sabordage avait effectivement pu précipiter la fin du Bismarck.
Une plongée eut également lieu en 1999 pour une émission documentaire sur Channel 4, et plus récemment, c'est James Cameron, le réalisateur du film "Titanic", qui effectua une dernière plongée pour son film documentaire "Expédition : Bismarck" paru en 2002. Cameron conclut également que les dégâts externes, bien que très importants, ne pouvaient pas expliquer à eux-seuls que le cuirassé ait coulé.

draleuq, 13h18 :: :: :: [0 constatation éclairée]

17 Juin 2012 ::

« L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 1 »

:: Histoire contemporaine, 1941

Ce billet fait partie d'un sujet qui en comporte 4 :
1. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 1
2. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 2
3. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 3
4. L'épopée des sister ships Bismarck & Tirpitz - 4


Le monstre des mers

Le DKM Bismarck, lancé en 1940, est le plus imposant mastodonte qui ait jamais navigué. Aussi long que le Titanic mais plus large, il a une puissance de feu colossale (dont 8 canons couplés de 380 mm ultra modernes à l’époque), fend les eaux à plus de 30 nœuds, et possède un blindage sans équivalent, qui va par endroits jusqu’à 36 cm d’épaisseur. On le dit impossible à couler.
Il appareille le 18 mai 1941, du port de Kiel sur la mer baltique, accompagné du croiseur lourd Prinz Eugen. Leur mission : pénétrer dans l’Atlantique Nord pour aller détruire les convois de cargos de ravitaillement britanniques en provenance d’Amérique du Nord.
A bord, outre le capitaine de vaisseau Lindemann qui commande le cuirassé depuis son lancement un an plus tôt, on trouve rien moins que l’Amiral Lütjens, chef de flotte de la Kriegsmarine. Au début de l’année 1941, il s’était déjà distingué en envoyant par le fond 115 000 tonnes de ravitaillement allié dans l’Atlantique, à la tête d’une flottille constituée des croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau, autres célèbres « sister ships » de la marine Allemande.


Der KriegsMarine Bismarck, le géant des mers


Toujours bien informés, les britanniques sont très rapidement au courant de la sortie du Bismarck. Il est repéré par des espions lorsqu’il passe entre la pointe sud de la Suède et la pointe nord du Danemark, puis à nouveau au port de Bergen, en Norvège, deux jours plus tard. Dès lors, deux navires anglais, les HMS Suffolk et Norfolk, le suivent à distance respectable, informant le haut commandement britannique de sa position et de son cap en temps réel.


Her Majesty Ship Norfolk (photo de 1944)


L’engagement du détroit du Danemark

Le 22 mai au soir, les Croiseurs lourds HMS Hood et Prince of Wales reçoivent l’ordre d’appareiller de la base de Scapa Flow, dans les Iles Orcades au Nord de l’Ecosse. Informés que le Bismarck et le Prinz Eugen contournent l’Islande par le Nord pour entrer dans l’Atlantique, les deux navires vont à leur rencontre. Celle-ci aura lieu à la sortie du Détroit du Danemark, entre l’Islande et le Groënland, le 24 mai à l’aube.


HMS Hood (photo de 1932)



HMS Prince of Wales (photo de 1941)


Le sort du Hood sera terrible : à la première salve de canons du Bismarck, un obus de 380 le touche en plein dans la soute à munitions. Le croiseur lourd se disloque dans un fracas épouvantable, dégageant un nuage de fumée qui monte jusqu’à plusieurs centaines de mètres de haut. Il coule en 2 mn, entraînant dans la mort 1416 de ses 1419 marins.


L'explosion du Hood, vue du Prinz Eugen



"Sinking of HMS Hood", tableau de J.C. Schmitz-Westerholt


Quant au Prince of Wales, beaucoup plus récent que le Hood bien qu’inachevé, il se retrouve très vite en grande difficulté face au géant des mers. Touché 7 fois (3 par le Prinz Eugen, 4 par le Bismarck), il n’a bientôt plus qu’un seul canon en état de fonctionner. Son commandant décide sagement de rompre le combat et de fuir derrière un écran de fumée. Il a toutefois réussi à toucher le Bismarck par trois fois, provoquant notamment une voie d’eau dans un réservoir de mazout.


Le Bismarck tirant sur le Prince of Wales, vu du Prinz Eugen.
Admirez la taille des jets de fumée...


La nouvelle de la perte du Hood parvient bientôt en Angleterre. L’opinion publique est durement choquée, non seulement à cause de la fin atroce du navire et de ses occupants, mais également parce que le Hood était un symbole pour le Royaume de sa Majesté.

Lancé en 1918, il n’avait pas participé à la première guerre mondiale, mais s’était imposé comme le navire de représentation de la puissance coloniale britannique dans l’entre deux guerres. C’est en effet souvent à son bord qu’on avait vu voyager les politiciens anglais aux quatre coins du globe. Le Hood était d’ailleurs longtemps resté le plus gros bateau de guerre du monde. Depuis le début de la deuxième guerre mondiale, bien que l’amirauté britannique fût consciente de la faiblesse de son blindage en regard des armements les plus modernes, elle n’avait pas épargné le Hood qui avait notamment participé à la destruction de la flotte française à Mers-el-Kébir.

Humilié par la perte du Hood et conscient de la nécessité de laver cet affront, ne serait-ce que pour l’opinion publique, le premier ministre Winston Churchill donne à l’Amirauté britannique un ordre qui est resté célèbre : « Coulez le Bismarck ! »
A la Home Fleet, l'Amiral Tovey reçut parfaitement le message. Pendant trois jours, toute l’armada navale et aéronavale britannique allait se consacrer à cet unique objectif.

De son côté, le DKM Prinz Eugen se sépare du Bismarck et se dirige droit vers Brest, par choix tactique semble-t-il.

LE DESTIN DU PRINCE OF WALES


Après sa mésaventure du Détroit du Danemark, le capitaine du Prince of Wales, John Leach, essuya, avec l'Amiral qui commandait les HMS Suffolk et Norfolk, les critiques les plus injustes. On voulait les envoyer en cour martiale pour la perte du Hood contre laquelle ils n'avaient soi disant rien fait.
Mais le sage Amiral Tovey s'opposa à cette vindicte, sachant très bien que Leach, étant donné l'état de son navire, avait fait le bon choix en prenant la fuite. Le capitaine conserva donc son commandement.

En août 1941, le Prince of Wales eut l'insigne honneur de transporter la personne du premier ministre de sa Majesté, Sir Winston Churchill, jusqu'à Argentia, à Terre-Neuve, où eut lieu la Conférence de l'Atlantique avec le président des U.S.A., Franklin Roosevelt, qui pourtant n'était pas encore en guerre contre l'Axe.
L'URSS, qui venait juste de subir l'agression de l'Allemagne nazie, était également invitée, mais resta sourde, du moins pour le moment, à cette invitation.
"L'Atlantic Charter Conference", qui dura plus de trois semaines, définit une vision commune du monde après-guerre, et qualifia les pays de l'Axe "d'ennemis de la liberté". Elle fut signée le 14 août à bord de l'USS Augusta. Le 24 septembre suivant, à Londres, 10 autres pays adhérèrent à ses principes, parmi lesquels la France Libre.


Le HMS Prince of Wales dans la rade d'Argentia, à Terre-Neuve



L'office religieux à bord du Prince of Wales



Roosevelt et Churchill assistant au même office religieux


Fin 1941, pour réagir à l'invasion de l'Indochine Française par l'Empire du Japon, le Royaume-Uni envoie une flottille de navires de guerre à Singapour, la force Z. Le Prince of Wales en fait partie. Le 8 décembre 1941, lendemain de l'attaque de Pearl Harbour, il appareille pour la Malaisie, en compagnie d'un autre croiseur lourd, plus ancien, vétéran de la première guerre mondiale, le HMS Repulse.


Le Prince of Wales quittant Singapour


Le 10 décembre, à Kuantan, dans le sud de la Mer de Chine, les deux navires sont attaqués par 86 bombardiers et avions torpilleurs nippons décollés de Saïgon. Dépourvus de couverture aérienne, les navires britanniques n'ont aucune chance.
327 marins sur les 1612 que comprend le Prince of Wales périront dans le naufrage, parmi lesquels l'Amiral Philips, commandant de la force Z, et le capitaine John C. Leach, qui décide de quitter le dernier son navire en perdition, ce qui lui sera fatal. Son fils, marin aussi, s'illustrera durant la guerre des Malouines, en 1982.
Le Repulse subira un sort pire encore. Il coulera en 6 mn, emportant 513 marins dans la mort, sur 1200.


Au fond, le Prince of Wales, et juste devant lui, le Repulse, tous deux en perdition pendant le raid japonais.



A gauche : Photo aérienne de l'aviation japonaise. En haut, le Prince of Wales brûle. En bas, le Repulse vient d'être touché à son tour, pendant que plusieurs autres bombes l'encadrent (les impacts sont les ronds blancs)
A droite : la cloche du Prince of Wales, remontée en 2002. Aujourd'hui, elle se trouve au musée maritime de Liverpool.



Sauvetage des survivants du Prince of Wales, par le destroyer HMS Express.



LE DESTIN DU PRINZ EUGEN


Contrairement au Bismarck, le Prinz Eugen réussit à gagner Brest sans encombre.

En février 1942, avec les croiseurs lourds Scharnhorst et Gneisenau et une flottille de destroyers, il parvint à forcer le blocus britannique de la mer du nord pour rentrer en Allemagne, un véritable exploit.

Par la suite, il fut déployé en baltique et dans les fjords norvégiens, mais ne participa pas à d'autre action d'envergure.

Il fut capturé à quai à Copenhague par les alliés sans avoir eu le temps d'être sabordé, et fut attribué à l'US Navy.


Photo du Prinz Eugen, prise par l'US Navy en 1946


Lors d'un voyage vers Pearl Harbour, il subit une avarie. De ce fait, il fut tracté par des remorqueurs jusqu'à l'atoll de Bikini, le site de l'opération Crossroads qui consistait à effectuer des tirs de bombes nucléaires pour en mesurer l'effet sur des navires disposés à différentes distances de la détonation.

La première bombe, Able, explosa le 1er juillet 1946 à 158 m. d'altitude et détruisit 5 navires. La seconde, Baker, explosa le 26 juillet à 27 m. sous le niveau de la mer et détruisit 8 navires, mais en endommagea de nombreux autres.


Opération Crossroads : "Baker", le 26 juillet 1946.
On distingue des bateaux dans l'onde de choc.
L'explosion formera des tsunamis de plus de 30 m. de haut.


Le Prinz Eugen survécut aux deux détonations, bien qu'ayant subi des dégâts à la poupe. Il fut remorqué à l'atoll de Kwajalein, dans les îles Marshall, où il finit par se remplir lentement par l'arrière. Hautement irradié et trop difficile à décontaminer, on préféra le laissa couler en décembre 1946.

draleuq, 20h25 :: :: :: [0 cri de désespoir]

10 Juin 2012 ::

« La pluie et le beau temps »

:: Paparatzi

Cet hiver, il a mis du temps à arriver. Qui ? Eh bien l'Hiver, justement. Nos amis journalistes se sont longtemps langui de pouvoir enfin nous rapporter les places d'urgence ouvertes à l'occasion des Plans Grand Froid, la longue litanie des SDF morts gelés, et surtout, surtout, de nous tenir au courant au jour le jour des différents pics de consommation électrique, ce qui fait quand même partie, disons-le tout net, des infos essentielles que tout le monde se doit de partager le soir au coin du feu.

Chacun a pu se moquer en effet, un jour ou l'autre, de la tendance quasi innée que peut avoir l'homo sapiens sapiens classicus vulgaris à évoquer avec son interlocuteur le temps qu'il fait, soit pour espérer que ça continue comme ça si la météo est favorable, soit pour se lamenter sur les désagréments que procurent ce froid, ce vent, cette pluie, cette neige, cette grêle, si c'est l'inverse. Cette tradition immémoriale est en effet bien commode pour combler un vide entre deux personnes qui n'ont rien à se dire, ou qui ont très peu de choses à se dire et qui ne se sentent pas véritablement à l'aise pour tourner les talons et partir tout simplement une fois qu'elles ont dit le peu de choses qu'elles avaient à se dire.

Pas plus tard qu'avant-hier, l'agent technique d'un collège public a été commissionné pour venir m'apporter des dossiers d'inscription pour les futurs 6ème. Je ne l'avais jamais vu jusqu'alors. J'ai dit bonjour, j'ai pris les dossiers, j'ai donné en échange les dossiers d'admission, non sans avoir dit au préalable : “tenez, de mon côté je vais vous donner les dossiers d'admission. Echange de bons procédés !” Notez que la première phrase n'était déjà pas obligatoire, j'aurais juste pu dire : “voilà pour vous.” Il aurait compris que ce n'était pas pour lui, puisque d'habitude il fait les jardins et répare les portes. Mais, particulièrement enjoué, sociable et loquace, j'ai même ajouté ce “Echange de bons procédés !”, le gratifiant ainsi d'un magnifique sens figuré sans doute largement superflu, mais résolument orienté vers une certaine forme d'humanisme et de souci de convivialité dans les rapports avec cette multitude de gens qui jalonnent notre vie professionnelle. Pour ma part, je m'en serais tenu là, non sans ajouter un “au revoir” aimable, simple et circonstancié. Mais ce brave homme en salopette, lui, ne l'entendait pas de cette oreille : “quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?”
Etait-ce le malaise d'une personne joviale de tempérament, qui a trouvé la conversation trop expéditive ?
Etait-ce de la gratitude du col bleu envers le col blanc qui, pour une fois peut-être, ne le regarde pas d'un air condescendant et ne le reçoit pas comme un chien dans un jeu de quilles ?
Peu importe. L'affirmation, la question, on ne sait pas trop, est bien là, et appelle une réponse. La "pression sociale météorologique" se fait jour brusquement, inévitable, et tout refus d'y céder vous ferait instantanément passer pour un mufle.

Imaginons un instant :

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- ***Tourne les talons et s'en va***

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Au revoir !

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Oui, c'est ça. Au revoir.

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Ah non, hein ! Pas le coup du mauvais temps !

Cherchez autant que vous voudrez : impossible d'y couper.
Même abonder très brièvement dans son sens pourrait être perçu comme une insulte :

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Oui, ça c'est sûr. Allez, au revoir.

Non, rien à faire, pour être vraiment bienséant, vous n'avez pas d'autre choix que d'y aller de votre petite surenchère. Quelques exemples :

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Oui, espérons que ça ne va pas durer, car les vacances arrivent à grands pas !

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Ah m'en parlez pas, et dire qu'on n'a presque pas eu d'hiver !

- Quel temps pourri, quand même, hein, pour un mois de juin !?
- Oui. En même temps, avec cet hiver sans pluie, les jardins en avaient bien besoin !

Et le pire, c'est que dans presque tous les cas, malgré votre propre surenchère, là où vous pourriez craindre qu'une conversation endiablée sur la météo ne s'engage, l'interlocuteur ne va pas au-delà. Satisfait de votre réponse qu'il n'a écouté que d'une oreille distraite, il est déjà sur le seuil de la porte et conclut lui-même la conversation d'un au revoir.
En résumé, il vous a parlé du temps, mais il s'en fout autant que vous. Cette vérité s'est d'ailleurs traduite dans des expressions de la vie courante connues de tous, telles que : “parler de la pluie et du beau temps” qui signifie en gros “parler pour ne rien dire” ou “parler de choses sans aucun intérêt”.
Les méandres des relations sociales sont décidément bien complexes.

Pourtant, il semblerait que la météo soit une vraie préoccupation pour nos amis les humains, et en particulier pour nos compatriotes. C'est en tout cas ce qu'a dit Patrice Bertin, un chroniqueur de France Info dont j'apprécie souvent les interventions pour leur ironie grinçante. C'était un soir de février, à 19 h 55, lorsqu'enfin l'Hiver tant attendu s'est montré en Europe. Bertin s'est appuyé, dans son intervention, sur les travaux d'un “historien du climat” ("oui oui, ça existe !" a-t-il même précisé). Je le cite de mémoire : “il semble que ne jamais être content de la météo soit une exception française, tandis que les étrangers supportent les caprices de la météo sans broncher. Les anglais sont flegmatiques, les allemands pragmatiques, les italiens résignés, les espagnols blasés, les belges sont belges, mais les français sont des râleurs. L'hiver, ils souffrent d'un froid polaire, l'été de la canicule, et n'ont pas de terme assez fort pour qualifier leurs maux. Il est vrai que nos chers médias les y aident bien aussi, à grands renforts de termes catastrophistes.”

Cette chronique commence à 19 h 55 et se termine à 20 h 00. A 20 h 00, bien sûr, c'est le Journal.
Et ce soir-là, premier titre du Journal : “la vague de froid historique n'en finit pas de s'éterniser sur la France. Ce soir, le cap historique des 200 000 mégawatt heure de consommation électrique a été à nouveau franchi. 3 nouvelles personnes sont mortes de froid, tandis qu'à l'étranger le bilan du froid sibérien s'alourdit, particulièrement en Europe de l'Est : 47 morts en Pologne, et déjà 134 en Ukraine. En Italie, on atteint allègrement la température de -20 degrés dans la région de l'Aquila, déjà dévastée en 2009 par un tremblement de terre, et où des témoins affirment avoir vu des loups affamés errer dans les rues hier soir.” ... et là encore, je cite de mémoire et sans nulle exagération.

Putain, ça c'est ce qu'on appelle de la cohérence dans la ligne éditoriale.

draleuq, 20h43 :: :: :: [0 intervention abstruse]

3 Juin 2012 ::

« Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente »

:: Les dérapages du rat


draleuq, 23h59 :: :: :: [2 sarcasmes grinçants]